prétendre au bonheur - à l'épreuve de ses rêves
lundi 28 avril,
20h : Film
L'Amour et les forêts (USA, 110 min.) de Valérie Donzelli, avec présentation et débat en présence de Louis Mathieu, président de Cinéma Parlant et de
Dominique Fraboulet, psychanalyste et membre de l'Association de la Cause freudienne
Cinéma Les 400 coups, 12, rue Claveau, Angers
Tarifs habituels aux 400 Coups : 8,90 €, réduit 7,30 €, carnets 6 € ou 5,20 €, moins de 26 ans 6,20 €, moins de 14 ans 4,70 € - tarif groupe, les matins également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 4,40 €
mercredi 30 avril, 18h30 : Conférence
Le loup-garou : l’homme ou la bête aux deux
visages, par Geoffrey Ratouis.
![]() |
John Landis,Le Loup-garou de Londres
|
Université Catholique de l'Ouest, Amphi Diès, 3, place André Leroy, Angers
Gratuit
mercredi
7 mai, 18h30 : Conférence
Bonheur et châtiments ? Le bonheur est-il une quête pavée de mauvaises intentions ?, par Geoffrey Ratouis, historien
Si elles diffèrent bien
souvent sur la forme, spiritualités et sagesses d'hier et d'aujourd'hui sont au
moins unanimes sur un point essentiel : la quête du bonheur est loin d'être
un long fleuve tranquille. Des tentations bibliques aux épreuves d'un monde trop
cruel pour admettre que l'on puisse rechercher bien plus que le pouvoir,
l'argent et les honneurs, mythes, contes, odyssées et traités nous rappellent
qu'avant d'atteindre le bonheur, il faut accepter d'affronter ses peurs. Menaces
fantasmées, monstres incarnés sont de ces inévitables obstacles jalonnant une
quête que nul ne peut abandonner sans perdre son humanité.
Hôtel Livois (Institut Municipal),
6, rue Emile Bordier,Angers
Gratuit
Commentaires
Textes de Philippe Parrain
Après avoir confronté l'Humanité à sa possible extinction, et observé les rivalités au sein d'une compagnie de danse, Cinélégende se penche désormais, avec L'Amour et les forêts, sur l'intimité d'un couple en y observant un tendre, puis cruel tête-à-tête.
Le film se démarque du livre éponyme d'Éric Reinhardt par le choix de la réalisatrice de raconter l'histoire du simple point de vue de son héroïne, en gommant les multiples strates qui développaient toute la complexité du personnage. Et surtout la fin propose une happy end, contrairement au roman où elle s'enferre dans une incurable soumission, au point d'en mourir.
Valérie Donzelli aime émailler ses films de séquences musicales où s'exaltent les sentiments, et où les personnages s'expriment volontiers en chansons. Ellescherchent, entre drame et comédie, à introduire de la fantaisie dans les pires situations, ce qui est même le cas dans la tragédie autobiographique La Guerre est déclarée, tandis que le vaudeville La Reine des pommes, tout léger qu'il soit, parle d'une rupture douloureuse. Une façon de redonner du goût à la vie. Tout en décrivant une situation angoissante, L'Amour et les forêts peut également prendre du recul avec le dialogue (en)chanté sur la route de Metz et pendant l'installation du couple dans leur nouvelle maison, ou avec la danse réconciliatrice lorsque Blanche s'aperçoit que c'est Grégoire qui a demandé sa mutation.
télécharger le livret au format PDF
thèmes mytho-légendaires du film
un conte ?
Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta
sur le petit Chaperon rouge et la mangea.
Charles Perrault, Le Petit Chaperon rouge
Les contes de fées ont pour caractéristique
de poser des problèmes existentiels en termes brefs et précis.
Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées
L'Amour et les forêts se présente comme un thriller hitchcockien sur les terribles mécanismes de l'emprise conjugale, à l'exemple de Soupçons du maître du suspense. Ou bien comme un plaidoyer, un film à thèse, revendicatif, un film féministe. Un journal intime également où la jeune femme se confronte à elle-même, tout autant qu'à son mari.
Pourquoi pas tout simplement un conte d'apprentissage, dont il assume la simplicité, la transparence ? Le nom des deux sœurs, Blanche et Rose, évoquent de tendres couleurs par rapport à la sophistication littéraire affirmée du nom de l'héroïne du roman, "Bénédicte Ombredanne". Celle-ci apparaissait comme une sublime inconnue dans la vie d'un écrivain, un destin mythique, que l'on retrouve banalisé, désacralisé dans le film. Tandis que le prénom ordinaire "Jean-François" du mari de Bénédicte devient "Grégoire" ou "Greg" à la consonance ogresque. Quant au nom de ce dernier, "Lamoureux", il apparaît comme un nom commun désignant, non pas sa réelle identité, mais sa supposée particularité comme on dirait La Barbe-Bleue, Le Croque-mitaine, Le Prince ou La Fée.
Blanche incarne un symbole de pureté, une page blanche sur laquelle va
s'inscrire un récit, certes dramatique, mais linéaire, limpide dans son
déroulement : l'innocence initiale, les jours heureux, l'intrusion du mal,
le temps des épreuves, la découverte d'un havre de paix, une menace persistante
et un heureux dénouement. Ce pourrait être aussi bien le scénario de
Blanche-Neige ou de La belle au bois dormant, ou bien celle du
Petit Chaperon Rouge : de pures demoiselles, méchamment harcelées,
séquestrées dans un château loin de tout, qu'un prince tente de délivrer et qui
se retrouve à nouveau victime de sévices avant que toute la vérité se fasse
jour.
Ou bien la "fillette", séduite puis brutalisée par le Grand Méchant Loup
(Grégoire), qui trouve un recours avec le gentil chasseur (David, avec son arc
qui ne sert même pas à tuer)… Sans oublier l'intercession providentielle de
cette confidente - psy, avocate, assistante
sociale ? - longtemps non identifiée, qui donne la parole à
Blanche et qui permet au récit de se dérouler : " Continuez. ".
C'est elle qui ménage la bonne conclusion et qui en fin de conte délivre la
morale, à savoir que la libération de la parole vient à bout des pires
tourments. À l'image, Blanche relève la tête, tandis que son prédateur, derrière
elle, s'efface dans le flou, dans l'inexistence.
l'amour
Est-ce vous mon prince ? lui dit-elle ; vous vous êtes bien fait attendre.Charles Perrault, La Belle au Bois dormant
Les contes parlent de l'amour idéal, bien sûr, du coup de foudre. Les scénarios de Valérie Donzelli s'appuient volontiers sur une rencontre féérique. Il suffit, dans La Guerre est déclarée, d'un regard échangé de loin au sein d'une soirée survoltée, du jet malicieux d'une friandise rattrapée eu vol, et c'est l'évidence d'une inébranlable affinité. Quant au couple de Main dans la main, c'est une puissance magique qui, d'un seul coup et sans raison, le forme en soudant irrévocablement les deux partenaires l'un à l'autre.
On pourrait penser que la rencontre de Blanche et Grégoire soit tout aussi
miraculeuse. La jeune femme est esseulée dans le brouhaha de la boum, dans une
attente sans objet, et c'est d'une voix angélique, venue du ciel, ou du plus
profond d'elle-même, qu'il se manifeste sans préavis : " Bonjour,
Blanche ". Il la connaît intimement, elle répond humblement à son
appel tandis qu'il se présente d'emblée comme le "mec parfait pour elle". Leur
liaison s'opère d'abord sur le ton de la sympathie, ce qui ne les empêche pas de
rapidement sublimer leur rencontre en s'abstrayant de tout le contexte, et c'est
sur leur petite musique qu'ils dansent et s'enlacent.
Mais le temps du merveilleux semble révolu. Une simple nuit d'amour, et la banalité va vite rompre le charme. Le doute s'insinue ; le dilemme s'exprime par l'opposition des deux jumelles, comme un dédoublement de personnalité, face à leur mère à toutes les deux : " J'adore. - Elle, est-ce qu'elle l'aime ? - J'ai plus envie d'être sage. - J'ai horreur de l'amour, ça pourrit la vie… ". Effet de miroir qui n'est pas sans rappeler, sur un tout autre ton, la fameuse réplique de Travis à son reflet dans Taxi Driver : " C'est à moi que tu parles ? "
Blanche cède à l'aspiration au bonheur, à sa quête de félicité. Elle épouse le prince charmant, trop charmant peut-être… À la fin du conte de Perrault, la Belle sera appelée à déchanter - à désenchanter - en découvrant le sort funeste que lui réservent l'indifférence de son époux de roi parti à la guerre, et surtout la cruauté sans bornes de sa belle-mère.
l'homme aux deux visages
L'homme n'est en réalité pas un mais bien deux.Robert Louis Stevenson, , L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde
Les personnages des contes de fées ne sont pas ambivalents ;
ils ne sont pas à la fois bons et méchants,
comme nous le sommes dans la réalité.
Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées
À noter que c'est Rose qui a insisté pour que Blanche rencontre quelqu'un et
qui, de ce fait, a déterminé son union avec Grégoire. Les deux sœurs en fait
interagissent l'une avec l'autre. L'opposition entre elles, définie en termes de
fusion et de complémentarité, annonce par avance la duplicité de Grégoire. C'est
lui qui provoque le clivage entre elles et qui se révèle lui-même scindé en
deux : deux êtres opposés dans une seule personne. Sa gentillesse et son
amour débordant se retournent en soupçons et violence. Le personnage de conte se
laisse submerger par ses fantasmes. On se souvient, à Cinélégende, de
l'antagonisme entre le cygne blanc et le cygne noir dans Black Swan…
Il faut dire que chez Valérie Donzelli, la réalité est ambivalente,
l'amertume se mêle aux moments de gaieté, et la désillusion suit souvent le coup
de foudre, qu'il s'agisse de la maladie dans La Guerre est déclarée ou
d'une brutale rupture et de déceptions successives dans La Reine des
pommes. La première image de L'Amour et les forêts, que l'on
retrouve à la fin, nous montre dans le silence le visage éteint de Blanche
par-devant une peinture aux lignes et couleurs agressives : celui d'une
femme brisée, incapable de réagir, tandis que des images de nature, de forêts,
surgissent comme des flashes d'un rêve passé, des réminiscences. La Reine des
pommes était tout aussi anéantie au début, vidée d'elle-même, un véritable
ectoplasme en quête d'elle-même.
les forêts
Bénédicte Ombredanne dit qu'elle aime les profondeurs où elle peut s'enfuir et s'enfouir pour fuir les exactions du réel : l'amour et les forêts, l'automne et la nuit… J'adore les forêts. J'ai toujours aimé les forêts. C'est magique une maison dans une forêt. Comme dans les contes de fées.Eric Reinhardt, L'Amour et les forêts
La musique, en particulier pour les moments heureux,
semble s'inspirer du thème La Petite Fille de la mer de Vangélis.
Blanche appartient de fait à la mer qui s'ouvre sur l'horizon. À la mer, et à
l'amour de sa mère auxquelles elle est tout aussi attachée qu'à sa sœur jumelle.
Et c'est une douce chimère qui émerge de la morosité de sa vie pour la faire
rêver : " Je change la mer contre les forêts. " Elle
consent à quitter son refuge familial pour suivre Grégoire. Au contact d'un
environnement qui lui est étranger, elle commence par déchanter. Ce n'est que
plus tard qu'elle découvrira dans la forêt l'homme de la forêt, lequel est
vraiment charmant. On sait que c'est en passant dans un bois que le Chaperon
rouge rencontre compère le Loup… Elle en avait déjà fait la triste expérience.
Cette nouvelle liaison, passagère, va la rejeter dans la gueule du mari jaloux.
La chimère revêt alors la forme d'une angoissante créature à laquelle elle doit
résister.
Longtemps Blanche se berce d'illusions, à la façon de la Bénédicte de
Reinhardt qui, en fin de roman, évoque " ceux qui préfèrent croire aux
illusions " : " C'est son besoin d'aimer qui a créé chez
elle la nécessité de cet amour, elle s'est trouvée enchaînée à une chimère dont
elle savait au fond d'elle-même qu'elle n'avait pas d'existence, mais à
laquelle, malgré tout, elle n'a jamais cessé de vouloir croire. "
La transition vers sa nouvelle vie, porteuse d'espoir, s'était faite en chansons. Et l'emménagement dans le nouveau logis est une fête. L'image de son amour avec Grégoire s'encadre joliment dans le miroir d'une commode fleurie. Et tout de suite c'est l'apparition du bébé. Mais, sans transition, le drame s'incruste dans leur vie avec la révélation du mensonge de son mari : l'horizon se referme brusquement, dans un grand silence, avec l'image des feux arrière de la voiture qui se perdent dans la nuit noire.
l'emprise
On a besoin de voir personne. On est bien tous les deux.
Grégoire à Blanche
L'annonce de la mutation agit comme un couperet.
Mutation : " transformation profonde et durable ", nous
dit le dictionnaire. Gentil et de bonne humeur le jour avec les enfants,
hargneux et brutal la nuit avec Blanche, Grégoire pourrait être qualifié de
loup-garou, alternativement homme et bête, et c'est comme tel qu'il se reconnaît
en découvrant ses reflets multipliés par les miroirs lorsqu'il tente d'étrangler
Blanche. Rose l'avait pourtant mis en garde : " T'as intérêt à la
rendre heureuse, hein ? " Il ne tarde pourtant pas à révéler son
côté sombre.
Les premiers doutes se profilent avec quelques réflexions anodines. C'est lorsqu'elle apprend qu'elle est enceinte que le piège se met en place, mais c'est encore tout en douceur et en amour partagé. Mais la trappe se referme avec le déménagement : la région qui lui est étrangère, la maison oppressante, et surtout le maintien en milieu hostile du lien avec ses enfants.
Elle se retrouve enfermée dans une véritable caverne, sans cesse épiée, à la merci de
Grégoire, le monstre incarné. Pour ainsi dire recluse derrière les barreaux d'un
escalier que l'on peut comparer à ceux qu'Hitchcock, Buñuel ou Cukor ont
imaginés pour piéger leurs héroïnes dans Les Enchainés, El ou
Hantise… Un redoutable escalier aux solides barreaux joue également un
rôle primordial dans le film Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? de
Robert Aldrich où il maintenait Blanche - hasard du prénom ? -
sous la dépendance de sa tortionnaire de sœur qui la séquestrait dans un
implacable huis clos.
La mythologie raconte comment certaines femmes, nymphes ou divinités furent ainsi ravies et retenues prisonnières par leurs séducteurs énamourés. Entre amour et contrainte, elles se voient acculées à vivre, chacune à sa façon, l'ambiguïté de leur situation : Hélène apparemment s'accommode bien de la compagnie du beau Paris. Perséphone partage sa vie entre son époux Hadès, aux Enfers, dont elle devient reine, et sa mère Déméter, auprès de laquelle elle se réfugie. Psyché file un parfait amour avec le charmant Éros, tandis qu'en Inde Sita se refuse fermement aux avances de Ravana. C'est Ulysse lui-même, par contre, le "héros aux mille ruses", qui cède aux liens de l'amour et se laisse assujettir par Calypso, puis par Circé.
Le conte populaire Jean de l'Ours évoque également l'expérience de Blanche : " Un jour, comme elle traversait la forêt, une jeune femme fit la rencontre d'un ours. Apeurée, elle ferma les yeux. L'ours la prit sur son dos, et l'emporta dans sa tanière. Il l'y enferma en roulant une grosse pierre devant l'entrée. Tous les matins il la quittait, et tous les soirs il lui ramenait de quoi manger... "
Dans le film, la maison du couple, chargée d'une connotation psychoaffective,
est angoissante avec ses boiseries sombres et ses taches de lumière. Les images,
très souvent, ressortent sur un fond sombre ou sont carrément bordurées de zones
noires, conduisant Blanche jusqu'au bord des ténèbres. Et le sentiment
d'enfermement se trouvera renforcé, par contraste, avec la chambre d'hôpital,
claire et lumineuse, dans laquelle Grégoire, qui ronge son frein dans un couloir
mal éclairé, continue à la harceler. La voiture que lui laisse sa sœur, censée
la libérer, devient elle-même un nouvel outil de contrainte, le support de
soupçons exacerbés.
Entre violence et douceur, la mécanique de l'emprise implique la soumission.
Blanche entretient longtemps l'espoir que les choses vont s'arranger :
" Je veux continuer mon rêve ", comme le chante Barbara
lorsqu'après leur première altercation ils se retrouvent pour danser. Et
Grégoire n'a de cesse de répéter : " Oh Blanche, je t'aime
tellement ! ", " Moi, tout ce qui compte, c'est ton
bonheur "… Lui-même d'ailleurs est captif de sa double nature ;
il se trouve finalement autant qu'elle prisonnier de son amour, de son
obsession, et il en souffre : " Pourquoi tu m'as laissé faire
ça ? Pourquoi tu m'as jamais rien dit ? " La faute en
retombe finalement sur Blanche, allant jusqu'à la faire douter lorsque Grégoire
en arrive à l'accuser : " Tu dois pas m'aimer beaucoup pour me
laisser devenir ce monstre. "
libération
Elle est ridicule ton histoire d'incarcération.
Tu es libre, les murs de ta prison n'existent pas,
tu peux décider de quitter ton mari du jour au lendemain,
si tu en as l'envie.
Christian à Bénédicte dans le roman d'Éric Reinhardt
J'étais tellement prisonnière
que j'avais pas réalisé que la porte était maintenant ouverte.
Blanche à l'hôpital
Il semble que Blanche ait tendance à se voir emprisonnée et ait du mal à franchir la frontière, à passer au-delà. Elle s'isolait déjà des fêtards, au début du film, derrière des barreaux face à la mer. Plus tard, lorsqu'elle s'évade au volant de sa voiture et part rencontrer David, elle est filmée floue, la mise au point restant sur les barreaux de l'escalier en premier plan. Fantôme d'elle-même, elle s'enfuira à nouveau et s'effacera dans un reflet en le quittant.
Blanche échappe à son persécuteur en se réfugiant chez l'homme des bois.
Quand elle arrive chez lui, elle est accueillie par un
" Bonjour ", une salutation providentielle qui tombe du ciel
alors qu'elle est en attente, salutation qui rappelle celle de Grégoire quand il
l'avait abordée au début : " Bonjour, Blanche ". Son
désir semble se concrétiser lorsqu'elle atteint la cible au tir à l'arc et
qu'elle rejoint David dans un baiser passionné ; la lumière
s'obscurcit ; ils se retrouvent coupés du monde et sont entraînés dans un
mouvement tournant comme le soir où elle avait dansé la première fois avec
Grégoire. L'histoire risque-t-elle se répéter ? David s'avère très avenant,
mais ne s'agirait-il pas en fait, au coin du bois, d'un nouveau
loup ? On ne le saura pas car l'aventure restera sans
lendemain : une nouvelle chimère qui, en réalité, n'arrivera qu'à renforcer
son asservissement.
Elle prend conscience d'elle-même et se libère en entreprenant de mettre toute son histoire, ses rêves de félicité et ses déconvenues, par écrit, et en la communiquant à sa sœur. " La parole dénoue toutes les inquiétudes " lui avait déjà dit la gynécologue à l'annonce de sa grossesse. Elle retrouve finalement son intégrité, recolle les morceaux en se confiant à l'avocate. L'ouverture sur la mer après un long parcours de souffrances augure la promesse d'une nouvelle naissance.
On savait dès le début que, par-delà l'épreuve, Blanche allait trouver une
écoute bienveillante, qu'elle serait sauve, contrairement à ce que rapporte la
fin du roman où elle se laisse mourir. Elle relèvera la tête et pourra rebondir
dans la vie. La mise au point est désormais résolument sur elle, tandis que
Grégoire derrière elle s'efface en devenant totalement flou : traces d'un
fantôme qui va sortir du champ, comme lorsque, s'évadant vers l'espoir d'une
nouvelle vie, c'était elle qui se dissolvait vers le non-être.