
la quête de soi
mardi 21 février, 13h30 : Film
Le Voyage de Chihiro (Japon, 122 min.) de
Hayao Miyazaki, avec présentation et débat en présence de Gildas Jaffrennou, enseignant cinéma
Cinéma Les 400 coups, 12, rue Claveau, Angers
à partir de 8 ans
Tarifs habituels aux 400 Coups : 8 €, réduit 6,50 €, carnets 5,30 € ou 4,70 €, moins de 26 ans 5,90 €, moins de 14 ans 4 € - tarif groupe, les matins également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,80 €
samedi 25 février, 18h : Film documentaire
Le Bonheur... terre promise (France, 2011)
de Laurent Hasse, en présence du réalisateur
Maison de quartier "Angers centre", 12, rue Thiers, Angers
Gratuit
mardi 28 février, 20h15 : Film
Le grand Voyage (France, Maroc, 108 min.) de Ismaël Ferroukhi,
avec présentation et débat en présence de Louis Mathieu et de Khalid Lammini, hadj angevin
Cinéma Les 400 coups, 12, rue Claveau,
Angers
Tarifs habituels aux 400 Coups : 8 €, réduit 6,50 €, carnets 5,30 € ou 4,70 €, moins de 26 ans 5,90 €, moins de 14 ans 4 € - tarif groupe, les matins également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,80 €
mercredi 1er
mars, 19h30 : Dîner-spectacle
Les Chemineux -
Contes des Pèlerins sur les sentiers d'étoiles, avec Sylvie de
Berg
Restaurant Les 3 Grands-Mères, 25, rue Beaurepaire, Angers
27 € - réservations : 02 41 86 70 80
jeudi 2 mars, 18h30 : Conférence
Le voyage vers Saint-Jacques de Compostelle, mythes et symboles, par Georges
Bertin, socio-anthropologue, jacquet angevin qui a rallié Santiago depuis Angers, en 2009. A publié : La coquille et le bourdon, essai sur les imaginaires du chemin de Compostelle, L'à part éditions et La tribu du lâcher prise, mythes et symboles du chemin de Compostelle, éd du Cosmogone, Lyon
Jamais le Voyage n'a connu un tel succès dans toutes les classes sociales. Celui vers Saint Jacques occupe une place particulière par sa fréquentation, la reconnaissance qui en découle, les productions culturelles qui lui sont consacrées, la diversité des motivations et des origines de ceux qui se mettent en route. Surtout, il les met en lien, en résonance, avec les mythes et symboles fondateurs de notre civilisation occidentale qu'ils redécouvrent à chaque étape. Dans le lâcher prise qui en résulte se jouent, pour les pèlerins contemporains, des actualisations souvent insoupçonnées de chacun au départ de leur aventure. D'aucuns la vivent comme une illumination. Et nul n'en revient indemne.
Institut Municipal, place Saint-Eloi, Angers
Gratuit
vendredi 3 mars, 20h à 22h : Atelier d'écriture
Le récit de voyage (à l’autre bout du monde ou dans une chambre) avec Schéhérazade (Véronique Vary)
Je suis un monde et je dis le monde.
Cheminement,
trajectoire, espace, voyage et antivoyage … Venez imaginer des contrées réelles
ou imaginaires avec leur géographie et leur population comme dans les Voyages de
Gulliver de Jonathan Swift ou comme dans les récits de voyage des
explorateurs.
Dépaysement garanti !
La Marge, 7 rue de Frémur, Angers
Ouvert à tous : novices ou plus expérimentés
45 euros le cycle/ 22 euros tarif réduit (12 et 7 euros l'atelier)
télécharger le livret au format PDF
Commentaires
Textes de Philippe Parrain
Voyage d'affaire ou mission d'exploration, tentative d'évasion ou parcours de survie, circuit d'aventures…, on voyage par nécessité, par besoin, par désir, par curiosité… Mais le voyage peut aussi bien être accompli pour le voyage lui-même, la destination relevant du symbole ou s'effaçant en cours de route. Il devient alors promenade ou (grande) randonnée et répond tout simplement à ce naturel et irrésistible besoin de bouger, sans but avéré, qui pousse les enfants dès leur plus jeune âge à gambader, et qui fait que l'adolescent a du mal à tenir en place : une aspiration à sillonner et découvrir le monde tout en se mesurant à soi-même, un instinct, juste le mouvement de la vie.
Le voyage est une aventure du quotidien. Il faut, après avoir mis de bonnes chaussures, endossé son sac et saisi son bâton, le bourdon du pèlerin, couper les amarres, s'arracher au monde profane et franchir les frontières ; et, même si l'on se trouve des compagnons ou si l'on fait des rencontres, il s'agit nécessairement d'une marche solitaire, dont l'enjeu réside moins dans l'aboutissement que dans le chemin.
Du road-movie au récit de pèlerinage, de traversées du labyrinthe à la plongée au pays des merveilles d'Alice ou de la petite Dorothy du Magicien d'Oz, le cinéma a accompagné sur le chemin de l'errance nombre de ces héros et héroïnes, révélant d'étranges contrées et d'énigmatiques paysages intérieurs.
Le grand Voyage
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Réda et son père
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Ce road-movie s'appuie sur un huis-clos qui impose la promiscuité entre les personnages, un face à face qui creuse les différences qui les séparent (génération, culture, langue, mode de vie...). Certains ont pu déceler des traces de prosélytisme dans cet émouvant récit d'ouverture et de réconciliation, qui laisse également filtrer des notes d'humour. Il faut plutôt y voir, à la manière de Voyage en Italie, un itinéraire intime en pays étrange, qui mène à une providentielle prise de conscience. Le propos du réalisateur était simple : " J'avais envie de raconter une histoire humaine sur deux protagonistes musulmans pour qu'on arrête de véhiculer des clichés sur une communauté foncièrement pacifique et tolérante. "
voir le dossier pédagogique
Le Voyage de Chihiro
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Chihiro
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Telle Alice, Chihiro se retrouve au pays des merveilles, là où tous les repères s'évanouissent. Les événements ne répondent à aucune logique, les personnages se métamorphosent, les notions de bien et de mal s'estompent. Impossible de définir une clef unique pour décrire cette profusion de décors, figures et situations. On y trouve bien sûr des références à la culture et au folklore japonais, mais le film puise aussi bien dans d'autres sources : on y retrouve des symboles universels, comme le pont ou le tunnel, et surtout le fabuleux imaginaire de Miyazaki.
Le réalisateur y développe plusieurs thèmes qui lui sont chers : le voyage initiatique, l'attachement aux valeurs ancestrales (le shintoïsme), la vénération de la nature et de tous les êtres, matériels ou spirituels, qui la peuplent, ainsi que les menaces que fait peser la société moderne, la pollution ou la valeur du travail collectif.
Le Voyage de Chihiro a été dessiné à la main sur celluloïd, avant de faire appel aux technologies les plus avancées en matière d'animation par ordinateur. L'extrême complexité du scénario confère toute sa richesse à ce film pour enfants. Il a représenté le plus grand succès de l'histoire du cinéma japonais et a été le plus gros succès non-américain au box-office. Acclamé par la critique internationale, il remporte plusieurs récompenses, dont l'Oscar du meilleur film d'animation et, à Berlin, l'Ours d'or du meilleur film.
voir le dossier pédagogique
thèmes mytho-légendaires des films
Au milieu du chemin de notre vie, ayant quitté le chemin droit, je me trouvai dans une forêt obscure.
Dante, La divine Comédie (L’Enfer)
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Chihiro devient transparente
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Jacques Attali relève à ce propos « des thèmes fondamentaux de l’histoire humaine : la faute comme source d’exil, la prison comme protection, l’errance comme initiation, les ténèbres comme menace, la vanité comme perte, l’homme comme force animale, et, au bout du chemin, la Terre promise comme réponse aux angoisses ». On pourrait sans peine retrouver la plupart de ces thèmes, transposés, dans les deux films qui nous intéressent.
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Réda récupère une portière pour la voiture
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Le passage du seuil
Une fois devant la porte, encore faut-il avoir le courage d’entrer.
Jacques Attali, Chemins de sagesse
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Chihiro sur le pont qui donne accès aux bains
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Ce moment où l’on passe outre, où l’on quitte toutes ses attaches (familiales, sentimentales, sociales…), et son cadre de vie même, est déterminant pour tous ceux qui partent ainsi en quête. C’était déjà le cas pour ces chevaliers qui, entraînés à la poursuite de quelque mystérieux animal, franchissaient l’orée du bois et s’engageaient dans la forêt aventureuse, ou pour tous ces héros de contes qui, contraints de quitter leur chaumière, prenaient leur baluchon et partaient s’exposer à tous les aléas de la vie.
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Réda et son père sur la route
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C’est son père qui, bon gré mal gré, guidera Réda qui est le véritable héros du Grand Voyage ; porteur du savoir, c’est lui qui peut donner du sens au périple qu’ils entreprennent. Et c’est Haku qui, en tant qu’initiateur, entraîne Chihiro et lui donne les clefs du monde dans lequel elle pénètre.
Elle doit préalablement avaler une nourriture de l’autre monde, sorte de viatique qui lui permettra d’y exister, alors que c’est en se goinfrant que ses parents se transforment en cochons. On se rappelle ces mythes (Inanna à Sumer ou Proserpine en Grèce) où le fait de manger, ne serait-ce qu’un grain de grenade, conditionne le passage vers le royaume des morts. C’est de la même façon en mangeant que la Belle et son père accèdent au palais de la Bête ou que Hansel et Gretel, se régalant de la maison de pain d’épices, et Blanche Neige, croquant dans la pomme, tombent sous l’emprise de la sorcière ou de la marâtre. Tout au long de nos deux films, le thème de l’alimentation prend une importance symbolique, rituelle, en même temps qu’elle représente une nécessité vitale pour faire le chemin.
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Réda à la recherche de son père à La Mecque
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Une fois partis, nos héros n’ont d’autre choix que d’aller jusqu’au bout, de suivre le chemin, comme ces héroïnes de contes qui se voient contraintes de marcher de château en château, de village en village, jusqu’à user une ou plusieurs paires de souliers de fer pour découvrir leur époux ou expier une faute. Ils en viennent ainsi à arpenter l’immensité du monde. Mais chacun fait son propre cheminement dans des univers radicalement différents, marqués par une profusion exubérante ou par l’évidence d’un projet. Alors que Chihiro s’enfonce dans les méandres d’un labyrinthe, vers les profondeurs de l’inconscient, Réda suit une trajectoire rectiligne et progresse vers une conscience claire de lui-même.
La route
L'important n'est pas le but, mais le chemin.
Proverbe chinois
Surprenant, ce pèlerinage qui se déroule en huis clos, au sein d’une voiture ! Il n’en est pas moins exigeant pour ses protagonistes qui, tout au long de la route, progressent en faisant la découverte de paysages, de lieux, de personnes. La mise en scène s’attache à créer des liens entre les deux espaces. Elle décrit un périple intime lié à la progression physique des personnages, qu’il s’agisse de Réda, instable, en recherche perpétuelle, ou du père qui s’impose comme un roc inébranlable de certitude.
À la façon de ceux qui sont soumis à des rites d’initiation, ou de la déesse sumérienne Inanna descendant aux Enfers, Réda doit peu à peu se dépouiller de tout ce qui peut le raccrocher au monde profane (le téléphone, la photo de Lisa, l’appareil photo…). Son cheminement l’amène à déchiffrer le sens des rencontres qu’il fait. Mustapha, figure du Tentateur et (faux) père de substitution, grâce auquel le dialogue devient possible, s’affirme comme une aide possible avant d’abandonner Réda à sa propre perplexité, rejoignant ainsi certains conseillers sur lesquels, dans les contes, le héros ne peut pas vraiment compter. Le personnage de Lisa, par contre, est toujours présent à l’esprit de Réda, sans participer personnellement à l’aventure. On pourrait dire qu’au-delà de la quête spirituelle, elle représente la dame qui inspire le chevalier, en quelque sorte la muse invisible, l’inspiratrice, qu’il va sûrement rejoindre : le père se garde bien de jeter sa photo et celle-ci s'affiche finalement plein écran au terme du chemin après l’ultime réconciliation.
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La passagère énigmatique
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Le film avance par étapes, marquant des moments de transition, des temps d’arrêts qui correspondent à autant d’épreuves à surmonter. Ce sont la « mort » et la «résurrection » symboliques du père lorsqu’ils se retrouvent dans la voiture ensevelie sous la neige, ou bien la rébellion du fils qui s’écarte, escalade la colline et refuse de continuer. Sa tentative d’émancipation semble alors condamnée d’avance par la nature désertique du lieu et elle se résout, comme pour Moïse, Jésus ou Mahomet, par une révélation sur la montagne. Sans parler de cette séquence où Réda part faire la fête et où le contact est coupé avec le père. Peu à peu, au fil de ces épisodes de crise, il apprend cette empathie dont son père est riche, qui sait, sans parler, comprendre les autres, qu’il s’agisse d’accueillir la vieille femme dans la voiture, de donner l’aumône ou de changer de l’argent. A la fin, lorsque celui-ci partira pour l’ultime voyage, le « grand voyage » auquel tout un chacun est convié, la transmission, le transfert des valeurs pourra enfin se faire de l’un à l’autre.
Le labyrinthe
C’est l'histoire d'une petite fille qui, jetée dans un monde où se mêlent braves gens et personnages malhonnêtes, va se discipliner, apprendre l'amitié et le dévouement, et va mettre en œuvre toutes ses ressources pour survivre.
Hayao Miyazaki
Le titre original du film, Sen to Chihiro no kamikakushi, peut se traduire par : « Le rapt de Sen et de Chihiro dans le monde des esprits ». Le mot kamikakushi en fait évoque la disparition ou la mort mystérieuse d’une personne qui a offensé quelque esprit. Plus que d’un simple voyage donc, c’est d’un « ravissement » qu’il s’agit : Chihiro - sous sa propre identité ou bien sous celle de Sen qui lui est imposée - est entraînée hors de sa propre existence vers une réalité autre dont elle ignore toutes les règles. On pense bien sûr aux aventures d’Alice qui tombe dans le terrier et découvre le pays des merveilles où règne l’absurde : plus de règle, plus de repère, plus de logique, un émerveillement permanent. Chihiro ne cherche pas davantage à comprendre, elle se laisse aveuglément guider par les circonstances, mais, à la différence d’Alice, elle prend peu à peu son sort en main, fraie son propre chemin et, guidée par son instinct, entreprend d’agir.
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Kamaji
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On perd vite tout repère. Les esprits sont à la fois, ou successivement, bons ou méchants, gracieux ou horribles. La découverte de ce monde, qui lui était inconnu, est surtout pour Chihiro l’occasion de voyager dans son propre univers intérieur, de laisser s’exprimer et s’affirmer des talents enfouis en elle-même. L’important pour elle est, une fois s’être fait voler son nom, de se reconstruire, de préserver son identité : « Ton vrai nom doit rester caché dans ton cœur. » Seule une prise de conscience progressive lui permettra d’apprendre à évoluer dans son nouvel environnement.
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Haku sous sa forme de dragon
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L’image de cette série de portes qui s’ouvrent dans la perspective, lorsqu’elle arrive chez Yubaba, reprend celle à laquelle Hitchcock faisait appel pour montrer l’ouverture à l’amour de Constance (incarnée par Ingrid Bergman) dans La Maison du Dr Edwardes. Comme pour celle-ci qui va se retrouver aux prises avec l’inconscient de son partenaire, c’est un affrontement qui s’amorce pour Chihiro, contre l’autorité de la sorcière et contre l’irrationalité de sa situation.
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Chihiro face à l'esprit putride
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Kamaji la prévient que ce trajet est un aller simple, que le train ne fait pas demi-tour : on pourrait en ce sens considérer son voyage comme une allégorie de la vie, de l’écoulement du temps qui n’autorise aucun retour en arrière. Comme dans les contes, encore une fois, son aventure constitue une initiation, elle la fait passer de l’enfance à l’âge adulte. Et c’est en pressentant la vérité et en donnant le « baiser au dragon » qu’elle sera libérée et qu’elle libérera celui-ci, Haku en l’occurrence.
Le terme du voyage
Nous partîmes tous deux par ce sentier caché,
afin de retourner enfin au monde clair,
et sans nous soucier de prendre du repos ;
et nous montâmes tant, lui devant, moi derrière,
que par un rond pertuis j'aperçus à la fin
tous les jolis objets que supporte le Ciel,
et nous pûmes sortir et revoir les étoiles.
Dante, La divine Comédie (L’Enfer)
Tel Orphée, Réda, à rebrousse-poil dans la foule chaotique des pèlerins, se retourne pour rechercher son père, et il le laisse derrière lui aux mains de la mort. Mais, alors qu’Eurydice demeurait aux Enfers, celui-ci gagne le Paradis. C’est par contre parce que Chihiro s’abstient de regarder en arrière avant d’être sortie qu’elle est capable de ramener sains et saufs ses parents, qui ne se souviennent de rien. Il leur faut à tous deux abandonner leur errance et rejoindre la réalité de leur vie quotidienne, l’école ou le lycée, les camarades ou Lisa… Cette vie n’en sera pas moins enrichie de tout ce qu’ils auront vécu lors de cette parenthèse temporelle.
Vers les lieux saints
Les chemins de pèlerinage sont multiples. Il faut ajouter à tous ceux que les grandes religions proposent ceux qui célèbrent certains héros ou personnes remarquables, qu’il s’agisse de Lénine à Moscou, d’Allan Kardec ou de Chopin au Père Lachaise, d’Elvis Presley à Memphis (on se souvient du Mystery Train de Jim Jarmusch) ou de Maradona en Argentine (voir Le Chemin de San Diego de Carlos Sorín). De façon plus intime, tous ceux qui retournent sur des lieux qui les ont marqués ou qui se rendent sur les tombes de leurs proches se définissent aussi bien comme des pèlerins.
L’espace sacré
N’approche pas d’ici, dit le Seigneur à Moïse, ôte les chaussures de tes pieds ; car le lieu où tu te tiens est une terre sainte.
Exode, III 5
« Pour l’homme religieux, nous dit Mircea Eliade, l’espace n’est pas homogène ; il présente des ruptures, des cassures. » Certains lieux se distinguent de ceux où se déroule la vie quotidienne de chacun, et surtout des zones extérieures, « sauvages », étrangères à la communauté. Ainsi s’élabore « une opposition entre l’espace sacré, le seul qui soit réel, qui existe réellement, et tout le reste, l’étendue informe qui l’entoure. »
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Pèlerinage » de néo-druides à Stonehenge en 1905
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Pèlerinage de la Croix Glorieuse de Dozulé
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Le déroulement du temps lui aussi s’articule autour de repères sacralisés que déterminent les cycles des saisons, des travaux ou des anniversaires, et que matérialisent les fêtes du calendrier : des moments clefs souvent solidaires des espaces sacrés. Il convient alors de participer à des cérémonials et d’observer tout un ensemble de rituels comme faire des offrandes, toucher une relique, gratter une pierre pour en consommer la poussière, recueillir de l’eau pour l’emporter… Une pratique récurrente consiste à tourner un certain nombre de fois, dans le sens des aiguilles d’une montre, autour d’un objet de piété ou d’un sanctuaire, qu’il s’agisse de la Kaaba à La Mecque ou de l’espace paroissial pour les troménies bretonnes. Le pèlerinage mené à son terme devient fête et, s’il se fait à certaines dates qui rassemblent les foules, fête collective.
Le voyage
Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive.
Évangile selon saint Mathieu, X, 38
Le chemin se construit en marchant.
Antonio Machado
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Wild de Jean-Marc Vallée |
Le pèlerin « se vide » d’abord le corps et l’esprit de tout ce qui représente le cadre de sa vie quotidienne. A la fois recherche et évasion, son périple l’amène à outrepasser les limites imposées par la société, à ignorer les différences de classes ou de castes, à n’accepter de lois que celles que l’on s’impose. Mais il ne saurait s’agir de vagabondage ou de soif d’aventure. Même si c’est le chemin qui est le plus important, il est essentiel qu’il soit orienté vers un but, qu’il mène en quelque sorte à une Terre promise, réelle ou symbolique. La démarche est foncièrement personnelle, dans l’esprit de faire pénitence, même si le pèlerinage autrefois pouvait être imposé comme un châtiment pour expier telle ou telle faute. L’important est aussi de s’assurer un accès au Paradis. Pour reprendre les mots de Jacques Attali, le pèlerinage « raconte le voyage intérieur d’un homme en quête de sa vérité ». Le couronnement de cette quête, au Moyen Âge, pouvait être de rendre l’âme à Jérusalem, en terre sainte, près du Golgotha, de même que ceux qui meurent à La Mecque bénéficient d’une bénédiction particulière.
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Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres
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Nomadisme
Dans la steppe, nul autre choix que d’avancer. L’homme ne fait que passer. Toute halte est sursis.
Sylvain Tesson, L’Axe du loup
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The Way, la route ensemble de Emilio Esyevez
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La Piste des géants de Raoul Walsh
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Livres
. Pierre-André SIGAL, Les Marcheurs de Dieu, Armand Colin, 1974
.
Michel MAFFESOLI, Du nomadisme, vagabondages initiatiques, La Table ronde, 2006
.
Jacques ATTALI, Chemins de sagesse : traité du labyrinthe, Fayard, 1996
.
Mircea ELIADE, Le Sacré et le profane, Gallimard, 1965
. Jean CHÉLINI, Henry BRANTHOMME, Les Chemins de Dieu, Hachette, 1982
Films
. Emilio ESTEVEZ, The Way, la route ensemble, 2010. Jean-Marc VALLÉE, Wild, 2014
. Sean PENN, Into the wild, 2007
. BARTABAS, Chamane, 1995
. Gael METROZ, Sâdhu, 2012
. Luis BUÑUEL, La Voie lactée, 1969
. Volker SCHLÖNDORFF, Ulzhan, 2007
. Wim WENDERS, Paris Texas, 1984
. Nuri Bilge CEYLAN, Les Climats, 2006
. Naomi KAWASE, La Forêt de Mogari, 2007
. Dennis HOPPER, Easy Rider, 1969
. Tony GATLIF, Gadjo Dilo, 1997
. Alfonso CUARÓN, Et… ta mère aussi !, 2001
. Daoud AOULAD-SYAD, Le Cheval de vent, 2002
. Nicolas ROEG, La Randonnée, 1970
. Carlos SORÌN, Le Chemin de San Diego, 2006
. Alex FERRINI, Notre révolution intérieure, 2017