sur le chemin d'éden
mardi 4 avril, 19h45 : Film
Avatar (USA, 162 min., en 3D) de James Cameron, avec présentation et débat en présence de Louis Mathieu
Cinéma
Les 400 coups, 12, rue Claveau, Angers
Tarifs habituels aux 400
Coups : 8 €, réduit 6,50 €, carnets 5,30 € ou
4,70 €, moins de 26 ans 5,90 €, moins de 14 ans 4 € - tarif groupe, les matins également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,80 € - Supplément pour les lunettes 3D: 2 €
voir le dossier pédagogique
mercredi 5 avril, 19h30 : Dîner-spectacle
Le beau du Beau, Contes de quête et de voyage, et de vivants émerveillés, avec Sylvie de Berg
Qui nous fait quitter notre nid, sinon le désir de prodiges ? Ce qu’on a ne nous suffit pas, il nous faut plus, infiniment. D’abord, faire le premier pas et sortir du cocon douillet. Puis connaître l’éloignement, l’errance, et peut-être la découverte, le plus souvent chèrement payée. Mais quel prodige, au retour ! Le nomade est méconnaissable, le Perdu s’est enfin trouvé.
Des Contes de partout pour vous dire l’aventure des Chercheurs de la vie cachée.
Restaurant Les 3 Grands-Mères, 25, rue Beaurepaire, Angers
27 € - réservations : 02 41 86 70 80
jeudi 6 avril, 18h30 : Conférence
Le voyage en Avalon et aux Iles fortunées, par Georges Bertin, socio-anthropologue, auteur de plusieurs ouvrages sur le mythe arthurien dont De quête du Graal en Avalon, éd du Cosmogone, Lyon
Le "jardin des pommes" est l'île où règnent la fée Morgane et ses compagnes
dans la légende arthurienne. Sis dans un univers parallèle, le SID, paradis des
Celtes, c'est là que les héros vont se faire soigner de leurs blessures. Ses
localisations sont plurielles même si Glastonbury (Somerset) est le plus souvent
cité comme porte de l'au-delà.
Correspondent à ce voyage, dans d'autres traditions, ceux aux Iles Fortunées des
Latins, les navigations des moines chrétiens, la quête de la Terre de Hurqâlya et de ses cités dans la tradition soufie iranienne..
Institut Municipal, place Saint-Eloi, Angers
Gratuit
vendredi 7 avril, 20h à 22h : Atelier d'écriture
Voyage sensoriel ou quand ce n’est plus la vue le sens principal… avec Schéhérazade (Véronique Vary)
Ouvrez les yeux et regardez quelques photos. Fermez vos yeux maintenant et laissez-vous porter par vos sensations. Voilà vous y êtes. Le voyage est là, dans le soleil qui caresse votre épaule ou le froid qui engourdit vos doigts, dans le brouhaha autour de vous ou le silence qui résonne et dans tous les parfums de cette dernière invitation au voyage.
La Marge, 7 rue de Frémur, Angers
Ouvert à tous : novices ou plus expérimentés
12 €, réduit: 7 € - Réservation 06 81 30 64 63
samedi 8 avril, 18h : film documentaire
En quête de sens, de Nathanaël Coste et Marc de la Ménardière (87 min.)
En
présence d'animatrices du groupe Colibris du Pays Angevin
Ce film est l'histoire de deux amis d'enfance qui ont décidé de tout quitter pour aller questionner la marche du monde. Leur voyage initiatique sur plusieurs continents est une invitation à reconsidérer notre rapport à la nature, au bonheur et au sens de la vie… Ils croisent Vandana Shiva, Pierre Rabhi, Frédéric Lenoir, Trinh Xuan Thuan, Hervé Kempf, des scientifiques, des lamas, des chamans...
Maison de quartier "Angers centre", 12, rue Thiers, Angers
Gratuit
mardi 11 avril, 13h30 : Film
Là-haut (USA, 95 min.) de Pete Docter et Bob Peterson
Cinéma Les 400 coups, 12, rue Claveau, Angers, tél. : 02 41 88 70 95
à partir de 7 ans
Tarifs habituels aux 400 Coups :
8 €, réduit 6,50 €, carnets 5,30 € ou 4,70 €, moins de 26 ans 5,90 €, moins de 14 ans 4 € - tarif groupe, les matins également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,80 €
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vendredi 14 avril, 19h15 : Film
Azur et Asmar (France, 99 min.) de Michel Ocelot.
Projection précédée de la visite de la scénographie du
Mystère des Faluns, et d'un cocktail (sans
alcool, avec amuse-gueules - on peut apporter de quoi se
restaurer)
Le Mystère des Faluns, 7, rue d'Anjou,
Doué-la-Fontaine : Le site des Perrières
à partir de 6 ans
Entrée : 7 € (12-18 ans : 6.00€, 6-11 ans : 4.50€) Réservations : 02 41 59 71 29 - l.aubineau@ville-douelafontaine.fr>
Lecture publique de textes écrits en atelier, animée par Schéhérazade / Véronique Vary. Invité musical : le jazzman Sacha Gardèr (basse, contrebasse). .
Le Comptoir des livres, 15 rue Saint-Maurille, Angers
Entrée gratuite, consommation obligatoire. Ouvert à tous, sans réservation.
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Commentaires
Textes de Philippe Parrain
Jung écrivait que "le voyage est une image de l'aspiration, du désir jamais éteint, qui ne rencontre jamais son objet". Le but s'éloigne à mesure que l'on avance, et l'amertume est à la hauteur de nos espoirs. Longtemps les hommes ont recherché le paradis terrestre en parcourant le monde et, depuis que l'on en a fait le tour, il semble devenu bien illusoire de l'y trouver. On n'a pourtant pas fini d'en rêver. La quête de l'Éden continue de représenter la finalité du voyage.
On se souvient pourtant que celui-ci implique toujours un retour au bercail : la fin de l'épreuve, le terme de l'aventure. Il peut s'agir de rejoindre le pays béni de Shangri-La, ou bien, après avoir échappé aux pires dangers, de revenir chez soi, enrichi de tout ce que l'on a vécu :chez elle au Kansas pour Dorothée ou dans Maison pour E .T.
Le voyage peut aussi, en évitant de se fourvoyer vers l'enfer, acheminer vers l'ultime destination : une toute dernière pérégrination pour atteindre - ou procurer à autrui - la paix de l'âme ; se retirer de la vie et de ses tracas. Jung ajoutait que le voyage est aussi "une image de la recherche de la mère perdue", une remontée vers la source, en même temps que l'accession au repos éternel.
Avatar
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La flore de Pandora
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Cameron a conçu Avatar dès avant de tourner Titanic. Il lui a fallu près de quinze années pour le développer, en attendant que le progrès des techniques lui permette de concrétiser ces êtres " qui sembleront vrais mais n'existeront pas physiquement dans le monde réel " dont il avait rêvé. Le film peut en fait être vu comme un véritable laboratoire pour une multiplicité d'effets spéciaux. C'est aussi le film des records : plus de mille personnes y auraient travaillé et son budget aurait dépassé les 300 millions de dollars, ce qui en ferait, après Titanic, le film le plus cher de tous les temps.
L'écosystème de Pandora a été synthétisé avec la plus grande précision par des spécialistes, qu'il s'agisse de sa géographie, de sa faune ou de sa flore, tout autant que des coutumes du peuple des Na'vi et de leur langue.
Cameron a entrepris de donner des suites au film : il travaille sur un Avatar 2 qui devrait sortir en 2018, en attendant un Avatar 3 et un Avatar 4…
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Là-haut
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En route pour le Paradis
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La première partie du film, développant par petites touches tout un trajet de vie, est particulièrement touchante, et l'envol de la maison est une pure rêverie. La suite, mêlant fantastique, aventures et humour, remet en cause la vision que l'on peut avoir du paradis.
Celui-ci n'est plus le monde enchanté où règne un bonheur sans tache et vers lequel on aspire à revenir (comme c'était aussi le cas pour le village hors du temps du Brigadoon de Minnelli) ; c'est désormais un terrain aventureux lourd d'inquiétude et de menaces. Et c'est bien vers le monde profane et protecteur qu'il faut finalement venir se réfugier.
Le choix d'un vieux grincheux comme personnage principal est remarquable : le but était que les enfants s'attachent à lui comme à un grand-père.
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thèmes mytho-légendaires des films
Les lettres de l’alphabet ont sans doute quelque chose à nous dire. Avatar, avec ses trois consonnes VTR, semble nous inviter à l’aventure et à l’ouverture sur un autre monde, voire, de façon plus terre à terre, à l’inventaire que Grace s’attache à faire de toutes les richesses dont regorge Pandora. Tandis que c’est en s’improvisant en quelque sorte aviateur que Carl, dans Là-haut, s’évade lui aussi vers l’aventure.
Une envie d'ailleurs
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons…
Baudelaire, Les Fleurs du mal (Le Voyage)
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La vie paisible de Carl et Ellie
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Les premières images d’Avatar mettent en scène un héros handicapé, cloué sur une chaise roulante, perdu dans la foule, exposé à la pollution, tenté par la violence : un environnement de frustration, devenu invivable, prélude au pire des enfers. Jusqu’à ce qu’on lui fasse miroiter la promesse : « Vous pourrez repartir à zéro, dans un nouveau monde. »
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En route vers Pandora
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Carl, dans Là-haut n’est pas davantage destiné à une carrière héroïque : il est resté, malgré ses rêves de petit-bourgeois, blotti toute sa vie dans sa maison et il aborde la vieillesse avec placidité, jusqu’à ce que le monde change autour de lui et vienne menacer sa tranquillité. C’est alors que sa fascination pour l’aventure se réveille : son désir de devenir explorateur va enfin pouvoir se concrétiser. Soixante-dix ans après en avoir rêvé, Carl aurait bien pu s’acheter un billet pour les Chutes du Paradis. Mais auraient-elles été encore les Chutes du Paradis, ses Chutes du Paradis éternellement vierges, à l’écart de tout circuit touristique ?
Jake et Carl vont, à la manière des chevaliers errants d’antan, tout quitter et s’engager sur les voies de l’imaginaire, en quête d’aventure. Tel le héros irlandais Bran qui s’embarque pour l’autre monde et Avalon, la merveilleuse Île des Femmes, ou tel son héritier christianisé saint Brendan qui navigue jusqu’à cette île qu’il assimile au Paradis, tous deux n’hésitent pas à appareiller et à s’envoler vers des destinations incertaines. Après avoir été symboliquement incinéré sous la forme de son frère jumeau, Jake ira jusqu’à se séparer de son propre corps afin de se projeter dans un univers inconnu, riche de promesses.
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Stratégie pour occuper Pandora
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Il est certain que les promoteurs/ pionniers de Pandora ont des prétentions très matérielles, et que les militaires qui les escortent ne sont pas des idéalistes. Ce qui les motive, c’est le fabuleux minerai dont cette lune est riche. On pense bien sûr aux conquistadores qui, poussés par l’avidité, se ruèrent à travers le continent américain en quête de l’or et des pierres précieuses dont regorgeait le mirifique pays de l’Eldorado, ou bien à tous ces aventuriers qui partirent défricher Afrique et Asie pour y établir des empires coloniaux. C’est par contre sans aucune préméditation que Jake se trouve projeté dans ce nouveau monde. Son parcours montrera bien que ses motivations restent désintéressées et qu’il est ouvert à toutes les situations, à toutes les rencontres.
L'envol
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L'oiseau
Kevin
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C’est, dans les deux films, par la voie des airs que les héros s’évadent loin de leur environnement nauséabond ou simplement médiocre. Un ballon bleu scelle la connivence de Carl avec Ellie, et toute son existence sera jalonnée par ces ballons colorés dont il va faire commerce. Et, avant que ceux-ci lui permettent de s’envoler, le couple reporte plus prosaïquement son désir d’aventure sur un oiseau en plâtre coloré posé sur la cheminée ou sur des mirages de bébés en forme de nuages flottant dans le ciel. Autant de rêves qui se volatilisent sous le poids de la réalité chaque fois qu’il faut casser la tirelire. Ne subsiste finalement que l’îlot féérique que représente cette petite maison cernée par un titanesque chantier. Jusqu’à ce que l’aventure, personnifiée par Russell, le scout-explorateur, vienne frapper à cette porte qu’il aimerait tant garder fermée.
Comme lorsque l’on entreprend un pèlerinage, le voyage implique la nécessité de s’arracher à ce que représente la vie quotidienne, de renoncer à tous ses repères. Et quel meilleur moyen pour tout quitter que le vol qui, selon J. Chevalier et A. Gheerbrant (Dictionnaire des symboles) « exprime un désir de sublimation, de recherche d’une harmonie intérieure, d’un dépassement des conflits » ? Ce n‘est pas par hasard si les deux films nous présentent des oiseaux merveilleux, des « oiseaux de paradis » en quelque sorte.
L'arrivée au paradis
En moi-même, je pensais être près du paradis terrestre.
Amerigo Vespucci abordant au Brésil en 1502
Le passage ne se fait pas sans une mise à l’épreuve qui suggère une initiation. C’est l’orage que doit affronter Carl, ou les premiers contacts avec les bêtes sauvages et les chiens enragés qui attaquent sans façon, dès leur arrivée, nos deux héros. Mais la peur cède bientôt à un pur émerveillement. Ils se retrouvent immergés dans d’enchanteresses contrées. On ne peut pas ne pas penser, lorsque Jake et Neytiri se regardent (« Je te vois… »), à la rencontre de Smith et Pocahontas dans Le nouveau Monde de Malick.
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Union de Jake et Neytiri
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Ils accèdent en des lieux qui ressemblent au Paradis terrestre, ou, en ce qui concerne la société de Pandora, à une sorte de paradis new-age. Le nom même d’Eywa, la divinité suprême des Na’vi, n’est pas sans rappeler celui de Yahwé, qui installa Adam et Ève au jardin d’Éden. Ce sont les graines de l’arbre sacré, l’arbre de la connaissance qui désignent l’avatar de Jake, lequel apparaît comme un « nouveau-créé » découvrant le monde ; il a tout à apprendre : « Tu es comme un enfant ! », insiste Neytiri lors de leur premier contact. Et il se verra effectivement métamorphosé au contact des Na’vis.
Des films comme Brigadoon de Minnelli ou Horizons perdus de Capra montrent eux aussi des mondes enchantés, de petits cocons hors du temps et de l’espace, ignorant pluie, vent et froid, où règne un bonheur sans tache et vers lesquels on aspire à revenir un jour. Le paradis dans nos deux films se transforme par contre en terrain aventureux, lourd d’inquiétude et de menaces.
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L'alliance avec les oiseaux
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Si l’on peut s’y faire des alliés des animaux, voire parler ou établir un lien physique avec eux, la faune n’est pas fondamentalement pacifiée, comme elle l’est au Paradis. L’ombre du Serpent diviseur plane sans aucun doute : les démons de la nuit qui, dans un premier temps, assaillent Jake ne sont rien par rapport aux forces terrestres qu’il devra combattre, et Charles Muntz n’est certainement pas l’explorateur angélique qu’imaginait Carl. L’accès au paradis devient périlleux ; il faut lutter pour le gagner, affronter le dragon gardien du trésor, de la toison d’or…
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Jake et Neytiri
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Avatar renoue certes avec le mythe du bon sauvage et distille un message écologique. Les habitants de Pandora vivent en symbiose entre eux et avec la nature ; ils participent de la puissance qui émane de l'arbre sacré. Jake plonge voluptueusement dans ce nouvel environnement et s’y love comme dans le caisson qui l’emporte au-delà de ses rêves, et surtout comme ce hamac végétal qui se referme sur lui et dans lequel il s’endort auprès de Neytiri. Sa sympathie pour les Na’vis cependant, tout entière qu’elle soit, n’est pas neutre. Tarzan des temps futurs, il maintient la croyance en la toute puissance de l’homme occidental sur la nature et les « hommes » non civilisés. Nouveau Robin des Bois engagé dans un combat contre ses prédateurs congénères, il n’en renonce pas moins à son privilège d’être supérieur et en arrive à oublier son propre corps léthargique d’humain.
désillusion
Et si le bonheur, l’ordre, la stabilité enfin atteints contenaient en réalité les prémisses d’une autre chute, d’un retour à la barbarie ? Si l’homme n’achetait le stable bonheur qu’au prix de son âme ?
R. Trousson, Voyages aux pays de nulle part
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La guerre sur Pandora
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Le bonheur en effet n’est pas « vendeur », et les représentations du Paradis engendrent surtout l’ennui. Ne retient-on pas souvent, de la pérégrination de Dante ou de l’imagerie médiévale, que l’Enfer ? Le conflit s’impose dans les deux films, ne serait-ce que pour maintenir l’attention du spectateur. Qu’en aurait-il été si Carl s’était contenté de monter au Ciel pour y aller rejoindre Ellie ? Car, malgré les apparences, ce que l’on nous montre n’est pas vraiment le paradis. Le mal y impose durement sa loi, qui n’est pas le fait d’un péché originel commis au sein du Paradis, mais d’une intrusion en des domaines qui auraient dû demeurer protégés. Muntz est venu revendiquer des droits sur un oiseau extraordinaire de la même façon que les Terriens convoitent un minerai qui ne leur appartient pas. C’est ainsi que les deux vieillards de Là-haut en viennent aux mains, ou que les représentants de la Terre déclarent la guerre aux Na’vis. L’utopie d’un monde rêvé fait place à une contre-utopie. L’aspiration d’Icare à atteindre les espaces supérieurs se solde par une chute vertigineuse.
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La fin d'un rêve
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La triviale réalité s’impose avec brutalité : on retrouve Jake, dont l’avatar vient de connaître la félicité avec Neytiri, faisant la causette et casse-croûtant joyeusement au bord du caisson, alors même que les engins commencent à détruire la forêt. Et Carl doit jeter tous ses souvenirs par la fenêtre de sa maison afin de pouvoir s’arracher au sol et reprendre le combat pour préserver ce coin de paradis. Enfin arrivé près des Chutes, il ne peut que feuilleter nostalgiquement le livre où Ellie a consigné l’aventure de leur vie commune. L’image de sa maison s’éloignant dans le ciel et se perdant dans les nuages marque la fin du rêve.
Le retour
Tout le prix du voyage est dans son dernier jour.
Paul Nizan,Aden Arabie
Comme dans Princesse Mononoké, les forces primitives de la nature se manifestent et prennent sur Pandora la défense de l’ordre naturel. Ceux qui ont profané l’arbre de vie se voient chassés du paradis. Tandis que les Terriens battent en retraite et que Jake parvient à s’intégrer à la société na’vi en renonçant à son humanité, Carl regagne son propre monde sécurisé, aux côtés de Russell qui incarne le fils qu’il aurait tant aimé avoir avec Ellie. Au bout du chemin, le temps s’arrête, mais l’esprit d’aventure pourra se perpétuer.
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Apaisement
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L’ange du mal est ultimement terrassé. Le Paradis terrestre des origines semble inaccessible, mais il se transforme en paradis promis. L’avatar de Jake vivra dans l’harmonie auprès de Neytiri et bientôt Carl ira rejoindre son aimée au ciel. Après tout, pourrait-il se dire au terme de son équipée, n’est-ce pas au retour que l’on trouve le paradis, l’apaisement du corps et de l’âme : Heureux qui, comme Ulysse, a fait un long voyage… Les chevaliers de la légende n’aspiraient-ils pas eux aussi, entre deux aventures, à se retrouver ensemble au bercail, autour de la Table Ronde, auprès du roi Arthur et de la reine Guenièvre ?
En quête du paradis
Puis l'Eternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait formé.
Genèse II 8
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Lucas Cranach, L'Àge d'or
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Les grandes traditions s’attachent à placer l’Homme des origines en un lieu et en un temps idéaux, à l’abri de toutes les vicissitudes et servitudes qu’il connaîtra par la suite. Il s’agit bien entendu du Paradis terrestre de la Bible, du Satya Yuga de l’hindouisme, ou bien de l’Âge d’or dont Virgile annonçait le retour avec le règne d’Auguste… De tous temps on a aspiré à rejoindre ces lieux, à revivre ces temps bénis : le souvenir d’un monde meilleur hante toute l’Humanité aussi bien que chacun d’entre nous qui, dans l’intimité, évoquons le « bon vieux temps », le « vert paradis des amours enfantines »...
Il est dur d’admettre que le paradis soit définitivement perdu. Au pire, on nous le promet « à la fin de nos jours », et l’hypothèse d’un « éternel retour » annonce la restauration des temps primordiaux. L’Homme vit d’espoir, il semble avoir besoin de cette promesse, qu’il s’agisse d’un paradis terrestre ou d’un paradis céleste, des Champs Élysées grecs ou des Îles Fortunées celtes, voire de paradis artificiels, d’un ravissement au « septième ciel » ou des Lendemains qui chantent… Il faut cependant noter que cet ardent besoin de croire au Paradis témoigne d’un évident sentiment de manque et de la dévalorisation du monde ordinaire. C’est bien ce que suggérait un certain cinéma français qui des Portes de la nuit ou de Quai des brumes à Lola, rêvait d’îles enchantées au soleil et d’ailleurs où il faisait certainement plus beau que là où l’on se trouvait. On pourrait dire que le paradis peut se définir par la négative.
Vers les mondes enchantés
Voici le pays que j’ai promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob en ces termes : je le donnerai à ta postérité. Je te l’ai fait voir de tes yeux, mais tu n’y entreras pas.
Deutéronome XXXIV 4
Sans avoir à remonter aux origines, il se pourrait bien - on l’a longtemps cru - que le Paradis terrestre ait continué d’exister en quelque endroit caché : un jardin clos, cerné de hautes murailles, probablement « à l’orient, dans la région la plus élevée de la terre », d’où s’écouleraient les quatre grands fleuves qui irriguent le monde, lesquels pouvaient être le Tigre, l’Euphrate, le Nil et le Gange. De Marco Polo à Christophe Colomb, nombreux sont ceux qui sont partis à sa recherche, même s’il se trouvait par définition en un lieu inaccessible, protégé par un chérubin armé d’une épée et par une infranchissable barrière de feu. Maintenant que l’on a fait le tour du monde, que toute la surface de la terre a été explorée et cartographiée, et que Google Earth donne accès aux coins les plus reculés, peut-être faudrait-il le chercher dans les espaces intersidéraux ? La parole est désormais aux auteurs de science-fiction…
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Klaus Kinski dans Aguirre de W. Herzog
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Toujours est-il que cette quête ne peut être qu’aventureuse. Loin de tout conformisme, elle implique la fascination pour l’inconnu, le goût du risque et un intense désir. Elle s’apparente à celle du Graal, la suprême aventure. Les grands « aventureux » - que Jankélévitch prend soin de distinguer des aventuriers mercantiles qui font profession d’aventure - ne s’encombrent pas de préparatifs et s’engagent, d’un mouvement spontané, en terre inconnue, ignorant tout des hommes qu’ils vont rencontrer, de leurs langues et usages, des paysages, des climats, de la faune et de la flore, des dangers qui les guetteront tout au long du chemin… Si les raisons de partir peuvent être les plus diverses, qu’il s’agisse de s’enrichir ou de conquérir, d’évangéliser, de témoigner ou de se cultiver…, ce qui pousse le véritable aventureux à larguer les amarres reste sans aucun doute la poursuite d’un rêve. L’essentiel repose dans la passion, dans l’ardeur mise à attendre l’impossible, plus que dans le fait d’atteindre un but.
Le grand aventurier de l’Antiquité fut certainement Ulysse, et c’est sans conteste Christophe Colomb qui incarne le parangon, le chef de file des aventuriers de la société moderne : « Le monde européen découvre alors la liberté et l’infini d’un monde à la portée de ses navires, et les hommes se précipitent dans une entreprise grandiose de redéfinition, de découverte, de conquête. L’étonnement devient une qualité première du rapport au monde. […] Le désir d’aventure marque l’inachèvement de la condition humaine, cette aspiration inguérissable à vouloir ce qui n’est pas encore, à répondre aux lignes de fuite de l’imaginaire en se voulant autre que soi. » Il s’agit, pour David Le Breton, de pénétrer « au cœur de l’Extrême-Ailleurs ».
Ce pays où coulent le lait et le miel…
Dans ce désert informe, dans l’éternité boursouflée de l’ennui, l’aventure circonscrit ses oasis enchantées et ses jardins clos.
Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux
Le mot « paradis » (pardez) désignait, dans la Perse antique, un verger entouré d’un mur. C’était ainsi que l’on nommait les parcs aménagés pour que les rois achéménides puissent se relaxer au cours de leurs déplacements. Le monde gréco-romain s’en est emparé pour en faire un jardin d’agrément, ou bien un enclos pour animaux. La traduction grecque de l’Ancien Testament l’adopte pour parler de l’Éden biblique, le Paradis terrestre de la Création, tandis que le Nouveau Testament en fait au contraire le lieu de béatitude attendant les justes après leur mort. C’est ainsi que Jésus peut promettre au bon larron : « Je te le dis en vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. » Il représente dans tous les cas un lieu de perfection, de paix, de bonheur, d’abondance et, auprès de l’arbre de vie, d’immortalité.
Berceau de l’Humanité ou son ultime destination, le paradis, au sens religieux ou mythique du terme, se situe avant ou après le temps, et en dehors de l’espace connu. Puisqu’il ne saurait être situé, on pourrait en parler comme d’une « utopie », un « non-lieu », un lieu imaginaire, et alors l’expression « paradis terrestre » deviendrait, ou serait devenu un oxymore.
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Paul Gauguin, Arearea "(joyeusetés)
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Sa recherche implique donc de s’arracher à la réalité et de se projeter dans une pure rêverie. Là réside, à l’état de nature, le Bon Sauvage, celui-ci fût-il, comme celui sur lequel disserte Montaigne, cannibale. Il y vit en bonne harmonie avec les animaux, qui se mettent à son service. Les paysages sont doux, et le climat serein. Là où « tout n’est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté ». Un paradis comme celui auquel un artiste comme Gauguin aspirait désespérément.
Il semblerait pourtant que, de nos jours, ces îles paradisiaques ne soient plus si lointaines que ça. Les fabuleux ailleurs, qui font tant rêver, se rapprochent allègrement. Proposés sur catalogue, ils deviennent accessibles, grâce aux congés payés, à toutes les bourses. On aimait bien le P’tit coin de paradis de Brassens. On se retrouve désormais, dès ici-bas, face à la multiplication des offres : en vrac, sans parler des paradis fiscaux, les Paradis Plage, Villa Paradis, Jardins du Paradis, Mon petit Paradis, ...
la fin de l'aventure
Une aventure, quelle qu’elle soit, même une petite aventure pour rire, n’est aventure que dans la mesure où elle renferme une dose de mort possible, dose souvent infinitésimale, homéopathique si l’on veut et généralement imperceptible… C’est tout de même cette petite et parfois lointaine possibilité qui donne son sel à l’aventure et la rend aventureuse.
Vladimir Jankélévitch, L’Aventure, l’ennui, le sérieux
L’aventure ne suit pas nécessairement des voies dérobées ou mystérieuses. Don Quichotte la cherchait tout près de chez lui, tandis que les missions d’exploration que furent dans l’entre-deux-guerres, les croisières Noire ou Jaune empruntèrent des itinéraires déjà bien tracés. Elle est désormais balisée et médiatisée avec le Vendée Globe ou le Paris Dakar, exhibée avec les prouesses des spécialistes de l’extrême, ou bien encore tarifée, programmée en tant que telle par les agences de voyage. Avec mode d’emploi, assurance, initiation, petit vocabulaire de base, et billet de retour… « Hors de question que le néo-aventurier se lance "à l’aventure" en laissant ouverte la porte de sa maison ou en ignorant le chemin à suivre », nous dit David Le Breton.
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Mission d'Alex Joffé
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La découverte et l’exploration des paradis terrestres, par contre, lorsqu’il existait encore des territoires vierges, se soldèrent le plus souvent par la perte de leur virginité, leur destruction et l’aliénation de ceux qui les habitaient. Le conquérant qui cherche à s’approprier des trésors d’or, de beauté, d’innocence ou de volupté en arrive à polluer et à ruiner les merveilles qu’il découvre. Quels que soient ses mérites et la pureté de son cœur, il lui est difficile d’échapper à la convoitise, à l’orgueil ou à la volonté de puissance qui le guettent. L’aspiration au paradis céleste, elle-même, ne va pas sans un certain égoïsme et la vanité d’avoir été suffisamment bon pour pouvoir être sauvé…
Tout autant que l’accès à un paradis sans tache peut paraître utopique, le désir d’aventure mène à une impasse ; il meurt à l’instant même où il est atteint. Le paradis pourrait-il simplement être en dernier recours la finalité d’une société des loisirs, radieuse, pacifiée, dont certains peuvent encore rêver ? Jean Delumeau, commentant le roman prémonitoire de Maurice Spronk (L’an 330 de la République), nous laisse à ce sujet peu d’illusions : « De l’oisiveté généralisée naissent le vide intellectuel et l’emploi des stupéfiants. Les suicides se multiplient, et la natalité est en chute libre. L’Afrique et l’Asie n’ont dès lors aucun mal à envahir cette Europe essoufflée. »
Livres
. Jean DELUMEAU, Une histoire du paradis, t. 1 Le Jardin des délices, t. 2 Mille ans de bonheur, t. 3 Que reste-t-il du paradis ?, Fayard, 1992, 1995, 2000
.
Fabrice HADJADJ, Le Paradis à la porte, Seuil, 2011
.
David LE BRETON (sous la direction de), L’Aventure – La passion des détours, Éd. Autrement, 1996
.
Vladimir JANKÉLÉVITCH, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Editions Montaigne, 1963
Films
. Frank CAPRA, Horizons perdus, 1937. Ridley SCOTT, 1492 : La Conquête du Paradis, 1992
. Akira KUROSAWA, Rêves, 1990
. Vincente MINNELLI, Brigadoon, 1954
. Werner HERZOG, Aguirre, la colère de Dieu, 1972
. Wolfgang PETERSEN, L’Histoire sans fin, 1984
. Victor FLEMING, Le Magicien d’Oz, 1939
. Bruno PODALYDÈS, Comme un avion, 2014
. John BOORMAN, La Forêt d’émeraude, 1985
. Yves ROBERT, Alexandre le bienheureux, 1967
. Ingmar BERGMAN, Monika, 1953.
. Danny BOYLE, La Plage, 1999
. James Gray, La Cité perdue de Z, 2017