Cinélégende

accueil > archives > > programme 2016-17> 2001




jusqu'au bout du monde

Dans le cadre de la Fête de la Science, avec le soutien de la Région des Pays de la Loire et la participation du lycée Joachim du Bellay et de l'ESEO

du lundi 10 au vendredi 14 octobre, de 9 à 12h et de 14 à 17h : Exposition :
Climats, eau, vie : la Terre, une exception dans l'univers ?

Lycée Joachim du Bellay, Angers

Gratuit - Réservation: 02 41 43 64 12, ce.0490002l@ac-nantes.fr

mardi 11 octobre, 20h : Film
2001 : l'Odyssée de l'espace (USA, Grande-Bretagne, 141 min.) de Stanley Kubrick, avec présentation et débat en présence de Louis Mathieu, président de l'association Cinéma Parlant
Cinéma Les 400 coups, 12, rue Claveau, Angers
Tarifs habituels aux 400 Coups : 8 €, réduit 6,50 €, carnets 5,30 € ou 4,70 €, moins de 26 ans 5,90 €, moins de 14 ans 4 € - tarif groupe, les matins  également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,80 € 

mercredi 12 octobre, 18h30 - et jeudi 13 octobre, 10h (classes de lycée) : Conférence scientifique
A la découverte des nouveaux mondes : les planètes extrasolaires par Roger Ferlet, directeur de recherche émérite, CNRS, Institut d'Astrophysique de Paris

En 2015, on fêtait la première détection d'une planète autour d'une autre étoile que notre Soleil. Depuis, les progrès ont été rapides et nous vivons l'époque formidable où la méthode scientifique peut s'attaquer à la question millénaire de la pluralité des mondes. Il devient même possible de caractériser l'atmosphère d'exoplanètes. La prochaine grande étape sera la recherche de bio-signatures, si elles existent !
ESEO, face au lycée Jean Moulin, Angers
Gratuit - Réservation pour les classes de lycée : 02 41 86 70 80, cinelegende@yahoo.fr

jeudi 13 octobre, 18h30 : Conférence
Ils arrivent, ils sont là…
L'invasion de la terre par les extra-terrestres vue au travers de la culture populaire (littérature, cinéma, télévision)
, par Geoffrey Ratouis, docteur en histoire, spécialisé en histoire culturelle

Si les scientifiques sont toujours à la recherche de traces de vie dans l'immensité de l'univers, écrivains et cinéastes imaginent à quoi ressemblerait l'invasion de notre planète par des extra-terrestres hostiles et technologiquement supérieurs. De La Guerre des mondes de H.G. Wells à Independance Day de Roland Emmerich, les soucoupes volantes inquiètent autant qu'elles fascinent. La fantasmatique arrivée d'extra-terrestres sur la planète bleue révèle nos craintes et nos peurs, en même temps qu'elle nous interroge. Rencontre du Troisième type, E.T., Les Envahisseurs et X-files ne sont-ils pas les reflets de nos inconscients collectifs… ?
Institut Municipal, place Saint-Eloi, Angers
Gratuit

vendredi 14 octobre, 20h à 22h : Atelier d'écriture avec Schéhérazade (Véronique Vary)
La Marge, 7 rue de Frémur, Angers
Ouvert à tous : novices ou plus expérimentés
45 euros le cycle/ 22 euros tarif réduit (12 et 7 euros l'atelier)

samedi 15 octobre, 18h : Projection commentée par Pierre Lagrange, sociologue des sciences, de documents évoquant la présence sur Terre des extraterrestres
Maison de quartier Angers Centre, 12 rue Thiers, Angers
Gratuit

mercredi 19 octobre, 19h30 : Dîner-spectacle avec Sylvie de Berg
Restaurant Les 3 Grands-Mères, 25, rue Beaurepaire, Angers
réservations : 02 41 86 70 80

mardi 25 octobre, 13h30 : Film
E.T. l'extra-terrestre USA, 120 min.) de Steven Spielberg, avec présentation et débat

Cinéma Les 400 coups, 12, rue Claveau, Angers
à partir de 7 ans
Tarifs habituels aux 400 Coups : 8 €, réduit 6,50 €, carnets 5,30 € ou 4,70 €, moins de 26 ans 5,90 €, moins de 14 ans 4 € - tarif groupe, les matins  également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,80 €


Commentaires

Textes de Philippe Parrain

La science nous parle de lointaines planètes que l'on découvre au fin fond de l'univers, et il paraît que certaines d'entre elles seraient habitables. Et, même si l'environnement peut parfois y sembler peu accueillant, il s'avère que sur notre Terre elle-même certaines formes de vie s'accommodent de conditions extrêmes. Il est dès lors possible (probable ?) que les rêveurs de la science-fiction aient raison : il existerait bien, quelque part dans les espaces intersidéraux, des créatures, lesquelles, pourquoi pas ? pensent et observent de tout là-bas notre petite planète bleue...

Partant de cette constatation, l'imagination peut se donner libre court et, même si la science reste sceptique sur la réalité de la chose, larguer les amarres en quête de ces lointains cousins, tout en leur laissant le loisir de venir nous visiter : de fascinants allers-retours à travers l'espace, dont le cinéma ne manque pas de rendre compte. Mais il restera toujours, entre eux et nous, l'immensité du cosmos, un prodigieux vide ontologique chargé d'appréhension et de menaces : "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie…"

2001: l'Odyssée de l'espace 

2001, en 1968, nous projetait dans le futur. Conçu en collaboration avec Arthur C. Clarke qui rédigeait simultanément le roman portant le même nom, il s'appuyait, avec la plus grande rigueur, sur les connaissances de son temps. Il demeure encore aujourd'hui, en 2016, un film visionnaire, intemporel, qui nous entraîne aux horizons de la science et, par le biais de la fiction, bien au-delà. On osa, à l'époque, considérer Kubrick comme un véritable génie, un "mutant" extralucide. Il faut le ramener aujourd'hui à une dimension humaine, ce qui n'empêche pas son film, qui est devenu culte, d'être un chef d'œuvre qui a marqué l'histoire du cinéma.

Le propos était, dès le départ, de réaliser un "documentaire mythologique" qui affirme que l'homme est un dieu en puissance appelé à se réaliser dans les étoiles. Se réclamant d'abord d'une démarche scientifique, étayée par des interventions de chercheurs, 2001 est devenu un film abstrait, " musical", où la logique cède le pas à la rêverie. Chacun y étant déjà allé de son propre décryptage, il est inutile de se lancer dans une nouvelle analyse. Il ne nous reste qu'à nous laisser embarquer dans un vertigineux voyage vers l'inconnu.

Voir le dossier pédagogique

E.T. l'extra-terrestre

Spielberg, considéré comme le "roi du divertissement", a abordé de multiples genres, dont la science-fiction. C'est ainsi qu'il nous a fait plusieurs fois rencontrer des extraterrestres, lesquels n'étaient pas toujours très gentils avec les hommes (voir La Guerre des mondes). Il nous propose ici un conte de l'enfance qui remet en question le sentiment d'altérité. Le personnage d'E.T. a été incarné par une marionnette téléguidée, mais aussi, pour certaines scènes, en faisant appel à des comédiens de petite taille. Le film a connu un immense succès populaire, une des plus grosses recettes du cinéma mondial. Cette histoire, riche d'humour, de poésie et de sensibilité, où un garçonnet se lie d'amitié avec un petit être venu de l'espace, a su toucher des générations de spectateurs ; elle reste actuelle, toujours susceptible de captiver les jeunes. Une version remasterisée en a été réalisée en 2002, en améliorant quelque peu les effets spéciaux et en édulcorant le peu de violence que contenait le film. Les fans, et Spielberg lui-même, l'ont regretté. Il a été couronné de trois oscars, ceux des meilleurs effets spéciaux, du meilleur son et de la meilleure musique.

Voir le dossier pédagogique

télécharger le livret au format PDF

thèmes mytho-légendaires des films

L'acte créateur

Et Dieu créa l'homme à son image; il le créa à l'image de Dieu.
Genèse, I 27
2001 : la terre des origines

L’affiche d’E.T., avec sa référence à la fresque de Michel-Ange, nous met sur la piste de la transmission de la vie ou de la connaissance, même si cette vision semble plus particulièrement s’appliquer à 2001 qui introduit l’hypothèse d’un geste fondateur pour l’humanité : l’intervention dans le processus de l’évolution d’un être supérieur descendu des espaces célestes. Les deux films s’ouvrent sur une musique planante, sur fond de ciel étoilé pour le premier, carrément dans le noir pour le second (en l’occurrence Atmosphères de Ligeti, une musique en perpétuelle transformation qui se propage sans aucun motif ni structure rythmique) : le temps d’avant le temps, le chaos primordial dont on émerge doucement. 2001 développe le processus de la Création : l’émergence des astres, un lever cosmique du soleil sur une terre vide, une terre vierge, l‘éveil de la vie avec la stridulation des insectes, le souffle du vent, des ossements d’animaux, jusqu’au « sixième jour » , lorsque les singes, prémices de ce que sera l’humanité, font leur apparition. E.T. de son côté, avec son aspect et sa démarche simiesques, surgit parmi les fougères, dans l’ombre d’une forêt primitive.

Mais on passe très rapidement à l’étape suivante ; le décor change, que l’on se retrouve en 2001, destination Lune, ou bien au sein d’une famille dans l’environnement familier d’un lotissement, en marge d’une grande ville. Les deux films nous renvoient aux origines et à ce moment particulier où s’enclenche un processus : celui de l’ouverture de la conscience (Ainsi parlait Zarathoustra, nous dit la musique), liée au progrès technique, que résume superbement la fameuse transition entre les images d’un os jeté en l’air et d’une navette spatiale, dans un cas ; celui du « salut » (de bienvenue aussi bien que de rédemption) adressé aux hommes du fin fond du cosmos, dans l’autre.

E.T. expie les péchés des hommes
Les héros se retrouvent alors en présence du « divin », qu’il soit fulgurant comme dans l’Ancien Testament, ou incarné comme dans le Nouveau Testament : la plongée dans la transcendance qui conclut 2001, ou la descente sur notre Terre d’un E.T. christique qui, apportant l’amour et opérant des miracles (il rend la vie aux fleurs fanées), s’est fait « homme », a souffert et est mort de la main de ceux dont il a voulu partager la condition, avant de ressusciter et de remonter au ciel. On se rend, par des chemins différents pour chaque film, à la rencontre des Autres – des aliens – qui se manifestent à nous en nous mettant en présence d’un autre niveau d’existence, de même que les héros des mythes et légendes croisent le chemin d’êtres fabuleux, qu’il s’agisse de dieux ou de fées, d’êtres du petit peuple ou de fantômes, d’anges ou de démons. Un contact avec l’au-delà que suggèrent la séquence de halloween, auquel participe E.T, ou l’envol de celui-ci sur un vélo en guise de balai de sorcière.

L'éveil de l'intelligence, et de la violence
Mais, tout de suite après la révélation, la divine manifestation, il y a la faute, le péché originel. Le premier meurtre fait suite à la « création » de l’homme et à l’accroissement de ses facultés mentales. L’os, premier outil, devient vite arme mortelle, et cet aéronef qui nous est d’abord montré ne pourrait-il pas en croiser un autre, conçu par quelque Dr Folamour et porteur d’une bombe orbitale ? Et que penser de ce stylo qui, à l’image de la navette spatiale, flotte en apesanteur et qui pourrait symboliser lui aussi un aboutissement de la créativité humaine ? En attendant que l’intelligence, portée à son plus haut niveau, entreprenne, en la « personne » de HAL, d’éliminer les représentants d’une espèce humaine qui, à la manière de Frankenstein, a forgé les outils de sa propre destruction : des hommes dont l’existence, prise en charge par l’ordinateur, est devenue inutile, qu’ils soient en hibernation ou occupés à des tâches futile : manger des plats insipides, jogger en rond ou faire semblant de dialoguer avec des « proches » qui ont cessé d’exister. Qu’en sera-t-il donc de l’être nouveau, de cet « enfant des étoiles » qui marque une nouvelle étape dans l’évolution de la conscience ? Quant à E.T. qui apporte cette « bonne nouvelle » qu’il faudrait garder sous le boisseau sous peine de l’exposer au crime, il représente l’innocence injustement sacrifiée. En mission pacifique, il est dès le début traqué, avec ses congénères, par les hommes armés de leurs lampes-torches.

Sur cette pierre …

« Que ce lieu est redoutable ! C’est vraiment la maison de Dieu, la porte du ciel ! »
Jacob se leva de bon matin, il prit la pierre qu’il avait mise sous sa tête, il la dressa pour en faire une stèle, et sur le sommet il versa de l’huile.
Genèse, XXVIII, 17, 18
La découverte de la pierre dans 2001

Le message de 2001 réside dans ces pierres parfaites que les singes, puis les hommes découvrent dressées sur les sols de la Terre ou de la Lune : des pierres vénérables venues de l’au-delà. Qu’il s’agisse des mégalithes déposés dans nos campagnes par Gargantua ou par quelque autre géant mythique, de l’omphalos marquant le centre du monde grec, de la Pierre de Fal qui désigne le futur roi d’Irlande, ou, au cœur du pèlerinage de La Mecque, de la Pierre Noire de la Kaaba que la tradition musulmane fait remonter au temps d'Adam et Ève, nombreuses sont les pierres sacrées qui signalent des lieux de la manifestation divine. Souvent d’origine météoritique, donc effectivement tombées du Ciel, elles ont toujours interpelé les hommes qui les ont désignées comme des « bétyles » - de l'hébreu Beth-el, « demeure divine » ou « Maison de Dieu » - et en ont fait des objets d’une intense dévotion, avant à leur tour de sacraliser certains sites remarquables en y dressant leurs propres stèles.

L'alignement de la pierre et des astres dans 2001

Il reste toutefois de grandes incertitudes concernant les messages que veulent transmettre aussi bien les monolithes du film que ces impressionnants menhirs qui nous ont été légués par nos ancêtres préhistoriques (ou bien, selon certains, par des visiteurs venus de l’espace). Symboles d’éternité, bruts ou taillés, ils s’inscrivent dans un espace qui semble vouloir leur donner sens : les alignements de mégalithes restent l’un des terrains favoris de la recherche des mythologues, de même que le film suggère que le pouvoir du mégalithe se renforce lorsqu’il s’aligne avec les astres visibles. Il ne faut pas oublier non plus que c’est sur des tables de pierre, confiées par Dieu à Moïse, que furent gravées les lois qui fondent la vie spirituelle et sociale, de la même façon que c’est sur sa pierre de fondation que repose la stabilité d’un édifice.

Une Odyssée

Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité…
Neil Armstrong

L'alignement de la pierre et des astres dans 2001
Si elle est signe de permanence, la pierre n’en est donc pas moins « orientée ». Elle polarise l’espace et désigne une destination, un futur. Le don des tables de la loi ponctue l’Exode du peuple hébreu à travers le désert. L’énigmatique apparition de la dalle dans 2001 marque les transitions entre les quatre parties du film ; elle souligne les sauts dans le temps, les étapes successives de l’évolution humaine. Car ce n’est pas le périple d’un individu que conte cette odyssée (de l’espèce autant que de l’espace), mais bien le cheminement, l’essor - à moins qu’il ne s’agisse du déclin ? - de l’Humanité toute entière, une marche vers l’avenir de l’Homme. Et, sur cette voie, le titre « 2001 » semble marquer un premier pas sur le chemin des avenirs fantasmés de ces années 60 qui ont engendré le film, un tout petit pas par-delà l’année fatidique 2000. En attendant qu’Athur C. Clarke poursuive l’aventure avec ses romans suivants : 2010 : Odyssée 2 (ou 2010 : l’Année du premier contact), 2061 : Odyssée 3 et 3001 : l’Odyssée finale.

L'oeil unique de l'ordinateur dans 2001
Des épreuves successives jalonnent ce périlleux voyage dont le héros - nouveau Moïse guidant son peuple, ou nouvel Ulysse en perpétuelle errance- est manipulé par de mystérieuses puissances surnaturelles. Poséidon et Athéna se disputaient le sort d’Ulysse. Est-ce la fabuleuse intelligence de l’ordinateur et l’indéchiffrable volonté de ceux qui l’ont programmé, ou bien le caprice de probables extraterrestres, qui observent, stimulent et mettent en danger un Bownan, ultime survivant de l’aventure humaine, dans un parcours de plus en plus solitaire ? Avant que sa propre détermination, dirigée vers un but qu’il ignore, soit exaucée et finalement le ramène, considérablement enrichi, « plein d'usage et raison », à sa contrée d'origine, c’est-à-dire vers le ventre de sa mère, la terre, pour y renaître. Mais il lui aura fallu entre temps affronter le monstre mythologique. Tel Ulysse, il fait appel à la ruse pour déjouer le piège tendu par HAL, et terrasser ce cyclope tout-puissant qui le traque avec son gros œil rouge.

C’est un voyage identique, même s’il est inverse au niveau spatial et si le point de vue n’est plus le sien, que fait E.T. : se retrouvant malgré lui sur la Terre, il est amené à découvrir, bien au-delà de la flore qu’il était censé étudier, un monde auquel il est étranger et aux lois duquel il doit se soumettre. Lui aussi il est mis en observation, et lui aussi devra mourir avant de revenir à la vie. Par-delà les épreuves, c’est vers les siens, au cœur de sa « maison », sur sa planète, qu’il aspire à retourner.

L'alignement de la pierre et des astres dans 2001

Car, de même que dans l’Odyssée, tout voyage peut être considéré comme un retour aux origines. Ce que semble vouloir suggérer le fréquent recours dans 2001 aux formes circulaires et aux mouvements rotatoires, auxquels s’oppose la rigidité parallélépipédique du monolithe ou des composants mémoriels de l’ordinateur. Il n’est pas indifférent que ce soient les accents virevoltants du Beau Danube bleu qui accompagnent le voyage vers la lune, et que les espaces intérieurs des navettes, stations spatiales ou modules soient arrondis, de même que les astres sont par nature sphériques : même si le trajet est rectiligne et la silhouette du vaisseau Discovery rectiligne (« phallique »), le film semble plaider pour un univers courbe. La pratique du jogging dans cet espace évoque un éternel retour. Comme le disait Lie Tseu dans son Traité du vide parfait, « un voyageur qui ne retrouverait pas le chemin du retour serait sans domicile ».

La rencontre

Elliott face à E.T.
Le voyage implique en même temps un itinéraire qui s’appuie, par-delà l‘immensité de l’univers, sur une rencontre : rencontre avec l’Autre, en même temps que rencontre avec soi-même. Dans E.T. comme dans 2001, le contact s’établit sur le mode de la stupéfaction et de la fascination. Les cosmonautes sont tout aussi perplexes, sidérés au sens étymologique du terme, par la découverte du monolithe que les singes par son apparition, tandis qu’avant de se retrouver face à face avec lui, Elliott pressent la présence d’E.T. et part à sa recherche. Roy Neary se voyait de la même façon contraint de se rendre au point de contact avec les étranges visiteurs de Rencontres du 3ème type.

Car cette improbable rencontre répond aussi à une secrète attente. À l’image de Spielberg qui, dans son enfance, fut marqué par les absences paternelles, Elliott, son personnage, est en manque de père et se trouve en position instable. Entre deux âges, il n’a plus la candeur de l’enfance (sa petite sœur Gertie), ni le sens des responsabilités de l’adolescence (son grand frère Michael) ; comme le petit héros, mi humain mi robot, de A.I. Intelligence artificielle, en quête de mère, il se sent mis à l’écart.

Le désuisement d'E.T.
L’arrivée d’E.T., qui représente cet ami imaginaire que s'inventent certains enfants, comble en partie ce manque. Niché parmi les peluches de la petite sœur, l’extraterrestre devient son jouet ultime, régressif, en même temps qu’il s’affirme comme un artisan du futur lorsqu'il utilise sa « technologie » pour rétablir le contact avec sa planète. Ils développent un langage (signes, leçon de choses, mots…) qui leur permet de communiquer entre eux, jusqu’à ce que leurs sentiments en arrivent par empathie à coïncider. On connaît l'appel de l’extraterrestre : « E.T. téléphone maison ». Les cosmonautes de 2001 disposent, eux, de visiophones, mais ils sont tout autant en rupture de communication avec la Terre et avec leurs familles. Ils sont tous en attente de la découverte de l’« autre ».

Mais celui-ci reste une énigme. Ses frères racontent à Gertie que « seuls les enfants peuvent le voir [E.T.] », et de fait leur mère, occupée à ranger ses courses, ne s’aperçoit pas de sa présence, pas plus que ces hommes sans visage dont l’un porte un énigmatique trousseau de clefs dont aucune ne semble ouvrir quoi que ce soit. Ils n‘arriveront pas davantage à l’analyser, à disséquer son corps. Quant à Bowman dans 2001, si l’on peut supposer qu’il devienne un sujet d’expériences pour les extraterrestres, il est, tout élu qu’il soit, entraîné dans un tourbillon qui ne lui donne pas pour autant la connaissance.

Le ciel s’ouvre

Je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle. Car le premier ciel et la première terre avaient disparu...
Apocalypse 21, 1

Au terme du voyage Bowman se trouve donc projeté, en une sorte de pénétration mystique, dans une autre dimension, tandis que, transfigurés, les enfants s’envolent avec E.T. sur leurs vélos. Ils franchissent la frontière, accèdent à l’au-delà. La célébration de halloween annonçait la possibilité de cette intrusion dans l’autre monde, tandis que les singes de 2001, lançant l’os en l’air, suggéraient déjà ce moment où l’on s’arrache à la pesanteur terrestre, à la matérialité.

Le foetus astral à la fin de 2001

Le monolithe noir, dans lequel à la fin plonge la caméra, devient porte d’entrée qui, à l’heure de la mort, conduit au renouveau. Il se trouve de ce fait sacralisé. Les singes avaient déjà découvert ce geste symbolique qui consiste à toucher la pierre, geste qu’allaient répéter les hommes en scaphandre et que l’on retrouvera dans les dévotions de toutes les religions : une ouverture vers la connaissance, vers la spiritualité. Nous assistons, selon un symbolisme universel, à l’union du ciel et de la terre, dont le fruit n’est autre que l’homme nouveau, embryon d’éternité.

La révélation de 2001 reste indicible. Elle est pure illumination. Plus proche de notre expérience quotidienne est celle qui clôt E.T., laquelle nous parle simplement de tolérance et de fraternité. Face à la distance infinie qui nous sépare des habitants de l’au-delà, Elliott, armé de son intuition, fusionne avec la créature extraterrestre. La sidération fait place à la familiarité. Il ne s’agit plus de transfiguration, mais, pour l’enfant, de la simple volonté de grandir, de la perte de l’innocence et du parcours initiatique vers la liberté et l'autonomisation.

Elliott face à E.T.

L’humanité ne s’en trouve pas moins, à son échelle, sauvée par le sacrifice d’E.T., la descente de la grâce. Elliott fait une profession de foi : « Toute ma vie, je croirai en toi… E.T. je t’aime », tandis que le cœur rouge de son compagnon, qui un temps avait cessé de battre, palpite d’amour comme un Sacré-Cœur. Au moment des adieux, la mère s’agenouille, comme en vénération. Et la fin du film nous montre, en y greffant le personnage de Keys (celui qui a su croire), une sorte de famille recomposée, réunie autour de la mère : thème cher à Spielberg que l’on retrouve par exemple en conclusion de La Guerre des mondes. La longue scène d’adieu se conclue sur le déploiement d’un arc-en-ciel, témoin de l’accord entre le ciel et la terre, signe de l’Alliance.

Aux confins du monde connu

Ne t’a-t-il pas été dit que les dieux firent un pont de la terre au ciel ?
Snorri Sturluson, Edda

Il fut un temps où le ciel et la terre étaient très proches l’un de l’autre, ce qui explique une certaine familiarité entre eux. La mémoire collective ne l’a pas oublié. Et, même si la séparation est bien consommée, le lien n’a jamais été totalement rompu.

La déesse Nout – la ciel – au dessus de Geb – le terre – avec lequel elle engendre tout ce qui a été créé. Détail du papyrus Greenfield, British Museum

Philosophes, poètes et scientifiques se sont longtemps posé, et se posent encore la question de savoir si les espaces célestes sont habités. Les différentes religions et les traditions populaires n’ont jamais hésité à les peupler d’une multitude d’êtres, objets de croyances millénaires. Celles-ci proclament l’universalité de la vie ; elles décrivent le séjour des dieux et les sept cieux où anges, archanges, séraphins et chérubins chantent la gloire du Créateur, ainsi que le paradis de saint Pierre, la planète du Petit Prince ou la fureur orageuse de la Chasse sauvage.

Dans les mythologies grecque ou hindoue, la frontière est ténue entre le monde des hommes et celui des dieux. Ce dernier ne saurait en aucun cas être un lieu qui soit étranger, indifférent aux habitants de la Terre. On observe au contraire un impressionnant trafic qui, de Poséidon poursuivant Ulysse de son courroux à Icare allant se brûler les ailes auprès du soleil, ou de la muse inspirant le poète aux envahisseurs de La Guerre des mondes, s’établit de part et d’autre.

Interférences

Le dieu Krishna dansant avec Radha et les gopis. M iniature du Rajasthan

Les dieux adorent se mêler de la vie des hommes et n’hésitent pas à venir folâtrer avec eux. Une fréquentation qui explique comment sont nés certains demi-dieux qui, tels Héraclès, Persée ou Dionysos, sillonnent la terre, mais peuvent à l’occasion se voir admis à la table des dieux olympiens. Sans parler du cas des Dioscures : Castor est un mortel, tandis que son frère jumeau, Pollux, est un demi-dieu qui, susceptible de devenir immortel à sa mort, obtient de son père Zeus de demeurer avec Castor un jour sur deux aux Enfers et un jour sur deux sur l'Olympe.

Certains humains par ailleurs, tel César, méritèrent, par leurs vertus, de gagner le statut de demi-dieu après leur disparition. Les évhéméristes vont plus loin : pour eux, l’ensemble des dieux ne seraient autres que de simples humains que la mémoire collective aurait magnifiés, puis divinisés.

Poséidon pousse les roches pour ménager un passage à l'Argo. Photogramme du film Jason et les Argonautes de Don Chaffey
Et pourquoi ne seraient-ils pas tout simplement des extraterrestres ? Les romans et films de science-fiction (Le Village des damnés ou L’Invasion des profanateurs de sépulture) nous apprennent que ces derniers vivent incognito parmi nous, qu’ils prennent notre apparence, voire s’infiltrent dans nos corps et esprits. La théorie des « anciens astronautes » proclame que ce seraient ces illustres visiteurs, technologiquement plus avancés que l'Homme, qui seraient venus apporter aux anciennes civilisations leur immense savoir dans les domaines de l'écriture, de l'architecture, de l'agriculture, des mathématiques ou de l'astronomie, et qui auraient de ce fait été considérés par nos ancêtres comme des dieux.

Bienvenue (?)sur terre

Le tout puissant dieu de l’air descend en pluies fécondes dans le sein de son épouse joyeuse, et, s’unissant à son vaste corps, il vivifie les semences qu’elle a reçues.
Virgile, Les Géorgiques II, 325-327

Alors pourquoi les hommes n’auraient-ils pas été tout simplement établis sur terre par ces extraterrestres ? Les différents récits de Création l’affirment, si l’on veut bien assimiler ceux-ci à la divinité suprême, laquelle, bien évidemment, demeure dans les espaces célestes. La science aussi le suppose, lorsqu’elle dit que la vie sur terre aurait pu se développer à partir de micro-organismes véhiculés par les météorites.

Krishna conduisant le char d'Arjuna (iconographie hindoue)
De l‘ange qui retient le couteau d’Abraham à Gabriel qui confie le Coran à Mahomet ou apporte à Marie la bonne nouvelle, à Michel qui, à la tête de ses cohortes, combat le dragon de l’Apocalypse, et bien sûr à Dieu lui-même qui, pour les chrétiens, se fait homme en la personne de Jésus, les messagers célestes multiplient, dans les religions du livre, leurs interventions sur terre. Mythes et légendes abondent tout aussi bien de ces dieux, démons, génies ou esprits supérieurs qui daignent descendre jusqu’à nous, pauvres humains, pour nous aider, conseiller ou punir. Athéna prend figure humaine afin de guider Ulysse, Zeus empreinte bien des apparences pour séduire les jolies mortelles, le dieu Krishna tient les rênes du char du héros Arjuna, la fée Mélusine épouse Raymondin et lui donne des enfants. Dans le merveilleux film tadjik Luna Papa, c’est le dieu lune qui se manifeste à la jeune femme et la féconde… Sans oublier tous ces personnages surnaturels qui, dans diverses religions, font leur apparition auprès de leurs fidèles.

Vers l’au-delà

Celui qui comprend a des ailes.
Pancavimca Brahmana

Hieronymus Bosch, L'entrée des élus au Paradis. Palais des Doges, Venise 

De tous temps les hommes ont rêvé de se projeter vers les sommets et de s’élever jusqu’au firmament afin d’y défier les dieux. Prométhée y est allé s’emparer du feu, et Yahweh a dû déjouer leur tentative d’ériger la tour de Babel « dont le sommet touche le ciel ». Témoins de cet insoutenable désir, les ziggourats, pyramides, minarets et clochers n’ont jamais cessé de se dresser fièrement, parlant autant de la fierté de ceux qui les ont édifiés que de la ferveur qu’ils adressent à la divinité, tandis que tours et gratte-ciel se contentent de célébrer l’insensé orgueil des nouveaux démiurges.

Peut-être parce que leur fonction est d’expliquer la vraie nature de notre monde ou les particularités de tel ou tel lieu, les mythes et légendes parlent surtout d’êtres surnaturels qui descendent sur terre. Ils n’en évoquent pas moins ces héros grecs qui ont accès à l’Olympe, tandis que les religions relatent la montée des âmes pures vers la félicité du paradis, l’Ascension du Christ, l’Assomption de la Vierge, ou encore le voyage de Mahomet, sur le cheval Bouraq, jusqu’au septième ciel et au jardin d’Éden. Quant aux contes, en tant que porteurs de rêve et d’évasion, ils nous emmènent volontiers dans les sphères supérieures à la suite de Jack escaladant son haricot magique ou du roitelet qui, porté par l’aigle, « monta si haut qu'il pouvait apercevoir le bon Dieu assis sur son trône céleste » (Grimm). Et il n’a pas fallu attendre qu’Armstrong pose le pied sur la lune pour que l’on y reconnaisse un homme portant son fagot.

De leur côté, films et romans observent l'incessant chassé-croisé entre les conquérants de l’espace et les envahisseurs venus d’ailleurs, tandis que certains, aspirant à être enlevés à bord de soucoupes volantes, croient leurs vœux exaucés. Mais la vraie voie qui conduise aux sphères supérieures ne serait-elle pas finalement celle de l’extase telle que la pratiquent chamans et mystiques ?

Livres

. Arthur CLARKE, 2001 : l’Odyssée de l’espace, 1968
. Michel CIMENT, Kubrick, Calmann-Lévy, 2004
. Stanley Kubrick, Editions Rivages, 1987
. Pierre LAGRANGE, La Rumeur de Roswell, Ed. La Découverte, 1996
. ERNSTING, Le Jour où moururent les dieux,
. Jean-Pierre PETIT, Le Mystère des Ummites, Albin Michel, 1995
. Jean-Bruno RENARD, Les Extraterrestres. Une croyance religieuse ?, Cerf, 1991
. Camille FLAMMARION, La Pluralité des mondes habités, 1862
. Philip K. DICK, Le Voyage gelé, 1980

Films

. Georges MÉLIÈS, Le Voyage dans la lune, 1902
. Peter HYAMS, 2010 : L’Année du premier contact, 1984
. Steven SPIELBERG, Rencontres du 3ème type, 1977
. Steven SPIELBERG, La Guerre des mondes, 2005
. Ridley SCOTT, Alien, le huitième passager, 1979
. Franklin SCHAFFNER, La Planète des singes, 1968
. Michael MADSEN, The Visit - une rencontre extraterrestre, 2015

Programme 2016/17

 

2001 : l'Odyssée de l'espace

USA, Grande-Bretagne - 1968 - 141 minutes - couleurs - VO

Réalisation : Stanley Kubrick
Scénario : Arthur C. Clarke, Stanley Kubrick
Image : Geoffrey Unsworth
Musique : Richard Strauss, Johann Strauss fils, György Ligeti, Aram Khatchaturian
Interprètes : Keir Dullea (David Bowman), Gary Lockwood (Frank Poole), William Sylvester (Heywood R. Floyd (voix de HAL 9000)

SUJET
Stimulés par la mystérieuse apparition d'un monolithe noir, des singes, lointains ancêtres de l'humanité, inventent le premier outil : un os dont ils feront bientôt une arme de guerre.
Des millions d'années plus tard, le progrès technologique permet aux hommes de se rendre sur la lune où ils découvrent un monolithe semblable au précédent, apparemment d'origine extraterrestre. L'astronaute Bowman en retrouve un troisième aux abords de Jupiter avant d'être aspiré dans une autre dimension spatio-temporelle où il se voit vieillir, mourir et renaître sous la forme d'un fœtus astral.

E.T. l'extra-terrestre

USA - 1982 - 120 minutes - couleurs - VF

Réalisation : Steven Spielberg
Scénario : Melissa Mathison
Image : Allen Daviau
Effets spéciaux : Carlo Rambaldi
Musique : John Williams

SUJET
Un appareil extra-terrestre atterrit en pleine nuit dans une forêt, près de Los Angeles. Ses occupants partent en quête de spécimens botaniques. Mais, surpris par l'arrivée d'hommes armés, ils quittent la Terre en toute hâte, abandonnant l'un d'eux qui s'était éloigné dans la forêt. Ce petit être, apeuré, se réfugie près d'une maison où vivent Mary et ses trois enfants Elliott, Michael et Gertie.
Elliott, 10 ans, le recueille et l'invite dans sa chambre. Un lien psychique s'établit entre eux et ils deviennent vite amis. Mais E.T., l'extra-terrestre, ne rêve qu'à aller retrouver les siens, tandis que l'armée cherche à le débusquer…