mémoire enfouie
Dans le cadre de la Fête de la Science, avec le soutien de la Région des Pays de la Loire
mercredi 27 septembre, 14-16h30 : Cinéma, webdocumentaire et devoir de mémoire, en participation avec l'Atelier
Canopé de Maine-et-Loire
Comment combiner la projection d'un film et les ressources d'un web-documentaire en ligne pour sensibiliser à la mémoire des génocides et permettre un travail de mémoire avec eux ?
J, Angers connectée jeunesse, 12 place Imbach à Angers
Informations et inscriptions : Réseau Canopé
jeudi 12 octobre, 20h : Incertitude de la mémoire
Film documentaire
Je me souviens donc je me trompe
(France, 52 min.) de Raphaël Hitier, présenté et commenté par le Dr Jean Barré du Centre Mémoire de Ressources et de Recherche, Département de neurologie du CHU d'Angers
Institut Municipal, place Saint-Eloi, Angers
Gratuit
vendredi 13 octobre, 19h : Soirée-contes
A la recherche des souvenirs perdus,
balade aventureuse dans les couloirs du Temps , avec Sylvie de Berg
Notre mémoire est-elle un capital garanti, se limite-t-elle à ce que nous avons vécu dans notre vie ? Et si elle était plus vaste et mystérieuse que ce que nous pensons ?
Des Contes à découvrir pour s’étonner et sortir des souvenirs connus.
Le Comptoir des livres, 15 rue Saint-Maurille, Angers
dès 12 ans
10 € (réduit : 6 €), plus consommations
réservations : 02 41 86 70 80
mardi 17 octobre, 20h15 : Film
Le Labyrinthe du silence (Allemagne, 124 min.) de Giulio Ricciarelli, avec présentation et débat en
présence de Louis Mathieu, président de l'association Cinéma Parlant et de Karine Engel, adjointe
au Maire d'Angers pour le Devoir de Mémoire
Cinéma Les 400 coups, 12, rue Claveau, Angers
Tarifs habituels aux 400 Coups : 8 €, réduit 6,50 €,
carnets 5,30 € ou 4,70 €, moins de 26 ans 5,90 €, moins de 14 ans 4 € - tarif
groupe, les matins également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,80 €
jeudi 19 octobre, 18h30 : Conférence
Mémoire collective, mythe et réalité
, par Geoffrey Ratouis, docteur en histoire, spécialisé en
histoire culturelle
Vercingétorix jetant ses armes aux pieds de Jules César, Clovis brisant le vase de Soissons, Jeanne d'Arc libérant Orléans, Christophe Colomb découvrant l'Amérique : autant d'images d'Epinal, jadis inculquées dès le plus jeune âge à nos chères têtes blondes et qui ont forgé notre récit national. Pour autant, quelle est la part de vérité entre les mythes qui ont modelé notre mémoire collective et la réalité ?
Cette conférence se propose de revisiter les grandes
figures du passé à la lumière des faits et de l'histoire.
Institut Municipal, place Saint-Eloi, Angers
Gratuit
vendredi 20 octobre, 20h : Atelier d'écriture, avec Véronique Vary de l'association Passez-moi l'expression ! voir le site
La nostalgie des objets
Les objets sont notre mémoire collective enfouie. Venez reconstituer avec les autres participants le puzzle de nos mémoires dans une ambiance vintage garantie !
La Marge, 7 rue de Frémur, Angers
Ouvert à tous : novices ou plus expérimentés
40 euros le cycle / 12 euros l'atelier
Renseignements et réservations : 06 81 30 64 63 - varyveronique@hotmail.com
mardi 24 octobre, 13h30 : Film
Vice-Versa (USA, 95 min.) de Pete Docter, présenté par Gildas Jaffrennou, enseignant cinéma, spécialiste du cinéma d'animation
Cinéma Les 400 coups, 12, rue Claveau, Angers
à partir de 8 ans
Tarifs habituels aux 400 Coups : 8 €, réduit 6,50 €,
carnets 5,30 € ou 4,70 €, moins de 26 ans 5,90 €, moins de 14 ans 4 € - tarif
groupe, les matins également, sur réservation (02 41 88 70 95) : 3,80 €
Du 5 au 10 octobre
Cinélégende propose également aux professeurs de svt des collèges des clefs pour comprendre le fonctionnement de la mémoire : des interventions pédagogiques dans les classes,
assurées par Gildas Jaffrennou et consacrées au processus mémoriel.
Gratuit, dans le cadre de la Fête de la Science
Contact : 06 67 71 63 39
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Textes de Philippe Parrain
Les individus, comme les sociétés, ne sont pas le produit d'une génération spontanée. Chacun reçoit en héritage tout un passé : les instincts propres à l'espèce, la filiation, les caractères transmis par les gènes, le contexte géographique et historique... Sans oublier, peut-être, l'empreinte laissée par des vies antérieures, ou les sorts que de bons ou mauvais génies auraient pu dispenser à la naissance. Un patrimoine qui va composer autant de destins singuliers. Les Grecs parlaient de Moïra pour désigner cette part de bien et de mal, de fortune et d'infortune, de bonheur et de malheur qui se trouve ainsi assignée à chacun et dont il est impératif de se satisfaire afin de ne pas encourir le châtiment des dieux.
C'est sur ce terreau - ces strates superposées, en attente de révélation - que se greffe ensuite l'expérience : un long apprentissage au fil des ans dont les fruits, conscients ou non, s'amoncellent au creux de la mémoire et s'agrègent les uns aux autres. Ainsi que l'oubli, tout aussi nécessaire que les souvenirs pour affirmer une identité…
Le cinéma, qui observe et sonde la réalité, est un outil privilégié pour comprendre comment se façonne un devenir, entre prédestination et initiative, inquiétude et confiance, enrichissement et régression, pour voir comment un personnage se modèle au sein de l'environnement qui l'a vu naître.
Le Labyrinthe du silence
Le Labyrinthe du silence, premier long-métrage d'un réalisateur germano-italien, traite, avec une rigueur tout allemande, un sujet de dénonciation politique dans la tradition d'un Elio Petri ou d'un Francesco Rosi.
Le film rend compte de faits historiques et a été écrit en faisant appel à la participation de ceux qui en ont été les acteurs. Ce procès, connu comme le "second procès d'Auschwitz" (le premier s'étant tenu à Cracovie en 1947), s'est effectivement déroulé de décembre 1963 à août 1965 à Francfort. Vingt-deux membres de la direction du camp de la mort y ont été jugés. Alors que le procès de Nuremberg (1945/46) avait été l'affaire des vainqueurs, cet épisode, vingt ans après les événements, marqua pour une nouvelle génération un tournant dans les rapports que l'Allemagne entretenait avec son passé.
Le scénario est fidèle à la réalité et les protagonistes du film, tels le procureur général juif, Fritz Bauer ou le journaliste Thomas Gnielka,ont conservé leurs noms. Le seul personnage fictif est le héros, Johann Radmann, portrait composite de trois personnes réelles, qui a été créé afin d'établir le lien avec les spectateurs.
Voir le dossier pédagogique
Vice-versa
Ce film décrit le délicat moment du passage de l'enfance à l'adolescence, lorsque la personnalité se construit au fil des expériences, en lien avec les souvenirs qui se sont ainsi accumulés.
C'est en regardant sa propre fille grandir que Pete Docter - qui avait déjà réalisé Là-haut - eut l'idée de créer un film qui serait centré autour des émotions humaines et qui chercherait à répondre à la question qu'un grand nombre de parents se posent : "Que peut-il bien se passer dans la tête de nos enfants lorsqu'ils grandissent ?" . Il a voulu se tenir près de la réalité scientifique, et s'est assuré le conseil de psychologues pour décrire le quartier cérébral où s'affairent les émotions et se forment les souvenirs qui iront rejoindre le gigantesque entrepôt de stockage de la mémoire à long terme.
L'enjeu de la réalisation était de faire cohabiter, en les identifiant visuellement, deux univers différents : la vie de Riley et ce qui se passe dans sa tête.
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thèmes mytho-légendaires des films
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Apprentissage de la marche par Riley
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On se trouve par ailleurs contraint de refouler ou d’oblitérer certains souvenirs traumatisants, susceptibles de troubler notre conscience, et il peut être difficile de déterminer dans quelle mesure cela relève d’une volonté déterminée d’amnésie ou bien d’un simple instinct de survie.
Faut-il alors réveiller le passé, sonder les archives, convoquer les vieilles images qui viennent vous tourmenter, remuer les eaux troubles du souvenir ? Qu’en est-il du devoir de mémoire ? Le fait qu’un film comme Nuit et brouillard ait été retiré de la sélection officielle du festival de Cannes en 1956 témoigne sans doute, au-delà du fait de constituer une "entrave au processus de réconciliation franco-allemand", d’un sentiment de culpabilité et de honte collectives.
LA FAUTE ORIGINELLE
Tout homme heureux est coupable.
Charles Péguy, Les Suppliants parallèles, à propos d’Œdipe
Les premières images du Labyrinthe du silence montrent des enfants jaillissant librement dans la lumière d’une cour de récréation. Mais leur élan se trouve figé contre une grille où soudain s’affiche la réalité de l’horreur. Sont-ils aussi innocents qu’ils le paraissent ? Déjà une maîtresse tire l’oreille de l’un d’entre eux et les professeurs se plaignent de l’indiscipline de leurs élèves…
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L'horreur passée resurgit face à Simon |
Le film nous dit que l’Allemagne des années 50 s’imposait le silence. L’hécatombe d’Auschwitz n’y en a pas moins nécessairement laissé des traces. « Auschwitz, c’est les histoires enfouies qui se sont déroulées ici et qui ne sont pas visibles à l’œil nu », explique Gnielka. Même tue, objet de déni, la mémoire s’impose à ceux qui en sont les dépositaires ; elle les oblige. Tout acte implique des effets, des conséquences qui peuvent outrepasser l’existence d’un seul individu ou d’une seule communauté. C’est ce que proclament les religions qui, étymologiquement, ont vocation de relier. Le Destin, par exemple, frappe durement Agamemnon qui aurait préféré ne rien savoir des crimes commis par ses ancêtres, les Atrides. Les hindous doivent répondre de ce qui a été accompli dans des vies antérieures. Dans de nombreuses communautés, un crime individuel constitue une menace pour tous, tandis que l’élimination d’un seul bouc émissaire rétablit l’équilibre général. Des lois de causalité déterminent le nécessaire enchaînement de nos actes individuels ou collectifs. Les lois de la nature elles-mêmes font dépendre la survivance des espèces de celle de toutes les autres.
La responsabilité de chacun se trouve donc engagée. Souvent la mémoire voudrait ignorer cette réalité et, sans qu’il y ait vraiment refoulement au sens psychanalytique du terme, nombre de souvenirs s’en vont rejoindre l’inconscient. Ce sont eux que Radmann entreprend de réveiller. Mais qui accuser de l’existence du mal ?
Lorsque les dieux se retirent …
La faute sans coupable renvoie à une culpabilité divine. […] Il y a plus scandaleux encore que la faute commise innocemment : l’héritage de la faute qui supprime jusqu’au lien personnel qui unit le héros à son crime.
Jean-Marie Domenach, Le Retour du tragique
Quels crimes les victimes d’Auschwitz, ou leurs ancêtres, se souviennent-ils d’avoir commis ? Quelle puissance supérieure a donc scellé leur destin ? Se sentant abandonné (« Dans le camp, Dieu n’était pas là »), Simon refuse d’évoquer le passé jusqu’à ce que celui-ci s’impose trop violemment à lui. Pour les Allemands aussi, Dieu n’était plus là ; ils ont voulu le réinventer, créer un nouveau culte, tout en oubliant le respect dû à la vie humaine. Alain Houziaux note que « ce sont souvent d’anciens criminels (nazis par exemple) qui affichent une conception rigide de la rigueur morale. Ils revendiquent une forme de moralité légaliste d’autant plus qu’ils refoulent le souvenir d’avoir transgressé cette loi et qu’ils s’en sentent coupables ». « Pour que l’ordre règne… », est-il écrit dans le compte-rendu d’un assassinat lu par Radmann et Gnielka. Et, tandis que les bourreaux aspirent à se dissoudre dans l’anonymat, leurs enfants, frappés d’amnésie collective, se voient amputés de leur mémoire.
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L'enquête
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Devoir de mémoire donc, ou devoir d’oubli ? « Ça ne fera de bien à personne, ni à vous, ni à nous. Laissez tomber ! », conseille l’Américain. « Tout ce que vous allez faire, c’est rouvrir d’anciennes blessures, des blessures qui commencent à peine à guérir ! », intervient le procureur en chef. Simon lui-même se résigne : « Vous n’en avez jamais assez ? Qu’est-ce que ça va changer ? ». Et, après tout, qui faut-il mettre en cause ? Dieu qui, en se retirant, a permis de telles atrocités ? Mais on se souvient que ce sont Adam et Eve qui, voulant se substituer à lui, se sont retrouvés privés de sa présence, un bannissement qui en soi représentait le châtiment suprême.
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Découverte d'Auschwitz
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La lutte contre le monstre
Il faut apprendre à l’homme à sentir que son destin est dans sa volonté !
Friedrich Nietzsche
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Incursion dans l'antre de Mengele
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Quoi qu’il en soit, la vérité doit être dite, et la mémoire ravivée. Le jeune procureur se sent investi d’une mission. Chevalier aussi naïf et impulsif que l’était Perceval, il part en quête d’aventure. Tout feu tout flamme, il sacrifie sa vie personnelle et fonce vers le danger. C’est ainsi que son inconscience le pousse à se précipiter, tête baissée et sans arme, dans l’antre même du monstre Mengele, ou à se mettre à courir pour rattraper un avion… Il n’arrive au début qu’à faire le mal en voulant faire le bien. Son nom même (Radmann, "l’homme à la roue") suggère une course immobile, un mouvement perpétuel qui tourne en rond, sur lui-même. Mais l’important est de vouloir prendre les choses en mains.
Le héros s’engouffre donc dans un labyrinthe sur des voies qu’il ne comprend pas toujours. Son mentor, le procureur général, se charge de guider ses pas ; il lui confie en quelque sorte le fil d’Ariane qui lui permettra de s’en sortir. Car ce labyrinthe s’avère beaucoup plus tortueux qu’il ne l’aurait cru : « La situation est bien plus compliquée », le réprimande Bauer qui tente de réfréner sa fougue. Et inévitablement Radmann se fourvoie en chemin ; il flanche et est sur le point d’abandonner. Le Minotaure qu’il poursuit est en fait un dragon dont les multiples têtes repoussent lorsqu’on les coupe : le professeur qui a été suspendu se retrouve aussitôt à la tête de sa classe. Par là, Radmann pourrait faire penser à Hercule luttant contre l’Hydre de Lerne, plutôt qu’à Thésée.
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La douleur de Simon
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Le combat libératoire sera livré en terrain clos. Ce sera l’ouverture du procès. La loi, qui s’impose à tous, aux dieux eux-mêmes, pourra alors s’y exercer, sachant que, pour Fritz Bauer, « ce procès doit moins se pencher sur le passé que nous indiquer l’avenir ».
Un héros tragique ?
Ah ! qui pourra donc extirper ce germe d’exécration ?
Eschyle, Agamemnon
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Le procureur Radmann
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Fatum, "c’était dit", disaient les Latins ; mektoub, "c’est écrit", disent les Arabes. Le sort des individus est déterminé à l’avance, on ne peut qu’assumer son destin. Mais il doit s’agir d’un choix volontaire, conscient. Comme le disait Sénèque : « Les destins conduisent celui qui accepte et traînent celui qui refuse ». Loin de se soumettre à la fatalité, l’homme doit s’y confronter et la conjurer, héroïquement s’affirmer. Le libre arbitre n’est pas nié, il est simplement affecté par les circonstances dans lesquelles on se trouve engagé. Le héros du Labyrinthe du silence, et en fait tout individu, de par la nécessité d’endosser son héritage personnel, sa mémoire profonde, peut révéler une dimension tragique. C’est ainsi que Radmann doit lutter contre ses démons intérieurs et, tout en se retrouvant incriminé, endosser sa filiation. Otto Rank s’accorde avec Freud pour dire que les héros « tuent des monstres que l’on peut facilement concevoir […] comme des substituts paternels ».
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Le retour vers Marlene
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Une fois l’horreur exorcisée, le monde reprend son cours, le train de la justice est remis sur les rails, la loi punit les petits et les grands coupables et, une fois le traumatisme passé, peut-être y aura-t-il une nouvelle vie pour Radmann : l’oubli du père, la réconciliation avec la mère, et qui sait le raccommodage de sa relation avec Marlene ?
Et Riley ?
Qui est le responsable de la programmation des rêves ?
Joie dans Vice-versa
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Le labyrinthe de la mémoire
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Il n’en reste pas moins que, comme pour les princesses des contes de fées, de bonnes ou mauvaises fées se penchent sur son berceau. Ce sont les émotions qui ici jouent ce rôle. Mais les fées étaient en latin des fata, littéralement des "destins", autrement dit d’avenants avatars de l’intransigeant Destin. Elles prennent en charge la destinée de l’enfant pour l’assister, ou le contrarier, tout au long de sa vie. Elles siègent pour ce faire devant une console et il suffit d’appuyer sur un bouton pour transformer le cafard en gaieté, ou bien de toucher une boule pour assombrir une belle journée.
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Riley reprend goût à la vie
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La fillette se retrouve ainsi amenée à parcourir un formidable labyrinthe émotionnel où il est possible de se perdre, un labyrinthe qui abrite aussi bien d’horribles cauchemars que de (gentils) monstres comme Bing Bong. Le parcours est semé d’embûches, et inévitablement elle doit passer par une période de déprime qui la remet en cause. Mais la faute fatale qui lui fait perdre pied, ce sont ses parents qui l’ont commise : le déménagement. Elle n’en partage pas la responsabilité et ne peut par conséquent pas être condamnée, sinon à continuer de grandir. Son aventure, loin d’être une tragédie, est un conte de fées au quotidien. Il consiste en fait en un patient apprentissage de la vie dans sa plus grande simplicité. En attendant la prochaine épreuve : « Et puis maintenant Riley a douze ans. Qu’est-ce qui pourrait lui arriver ? »
mémoire des peuples
Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.
Le maréchal Foch
On ne naît pas dénué de mémoire. Précédant tout apprentissage, l’organisme est porteur de certaines connaissances. Ses facultés ne se développent pas de façon anarchique, elles se réfèrent à un savoir préalable. Si l’on peut par exemple prétendre que c’est en imitant ses parents que l’enfant apprend à marcher (et comment en ce cas aurait-il appris à imiter ?), que dire du jeune animal qui, à peine né, se met sur ses pattes pour aller rejoindre la maternelle mamelle ? L’instinct représente une mémoire de l’espèce qui se transmet par-delà les générations : il guide les saumons vers les eaux qui les ont vu naître, écarte de la mer les animaux qui perçoivent l’imminence d’un tsunami, fonde l’ensemble des comportements et permet de s’adapter à l’environnement, de trouver sa place au sein du monde vivant.
Le monde physique lui-même serait doté de mémoire. De même que chaque neurone se souvient des informations qui lui sont soumises, la théorie des quantas affirme que les particules gardent la mémoire de celles qu’elles ont rencontrées, et l’homéopathie repose sur l’hypothèse que l’eau conserve l'empreinte des molécules avec lesquelles elle a été mise en contact. Tout serait donc mémoire : à la manière du patrimoine génétique, qui peut s’afficher ou bien sauter des générations, les traces du passé perdurent ; elles ne cessent de se transmettre tout en se redistribuant. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », comme aurait dit Lavoisier.
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Photogramme de Fahrenheit 451 de François Truffaut
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Outre ses instincts, l’homme entretient, dès le premier âge, tout un savoir qui ne relève en rien de son expérience personnelle : en quelque sorte une "mémoire sans souvenir" qui conditionne sa vision du monde et détermine sa conduite. Cet humus héréditaire alimente une mémoire cachée et élabore tout un bagage culturel qui vient affleurer à la surface de la conscience en revêtant différentes formes.
mémoire historique
Pierre Nora fait la distinction entre histoire et mémoire : celle-ci « est un phénomène toujours actuel », tandis que l’histoire propose « une représentation du passé ». Même si les historiens ne sauraient être impartiaux, dénués de point de vue, et si le récit des événements ne s’accordait pas aux époques où on les fait, l’Histoire se veut objective et indiscutable. La mémoire collective, somme de mémoires individuelles, reste, elle, totalement dépendante du contexte: l’environnement, le paysage, le climat, les aléas de l’actualité… Elle se développe par imprégnation et est particulièrement sensible aux rumeurs. C’est elle qui forge les modes, les tendances, les opinions qui seront transmises aux générations futures.
Quant aux faits historiques eux-mêmes, on ne les connaît que par ouï-dire. On ne se souvient des événements qui ont accompagné notre vie que par le témoignage de tiers ou par les médias. On doit s’en remettre à la mémoire des autres, il s’agit d’une mémoire filtrée, empruntée à la communauté.
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Image pieuse
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Et cette mémoire ne cesse d’évoluer. Alain Finkielkraut par exemple, dans La Mémoire pour quoi faire ?, réagit au titre du documentaire de Bertrand Blier Hitler, connais pas ! (1963) : « Aujourd’hui on pourrait dire : "Hitler, connais que ça !" Et Hitler bien plus que tous les autres criminels ! C’est l’hitlerocentrisme de la mémoire qui nous constitue désormais en tant qu’Européens. »
mémoire légendai re
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Mélusine édifie Lusignan
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Selon Freud, les mythes et légendes représentent les « souvenirs d’enfance des peuples ». Plus encore que son passé historique, ce sont eux qui définissent l’identité de la communauté dont ils nourrissent la mémoire. On se souvient (souvenait ?) par exemple qu’en Anjou Gargantua triompha d’un terrible géant à Pruniers, des fées fréquentaient certains dolmens, saint Florent combattit des dragons ou saint Maurille ressuscita l’enfant qui allait devenir saint René... On se souvient aussi que la ville de Lusignan fut fondée par la fée Mélusine, ou qu’un monstre hante le Loch Ness…
Cette mémoire commune abrite des figures (le grand méchant loup…) et des images (la grande faux de la Mort…), elle énonce des dictons (Quand il pleut à la St-Médard…), tandis que les fêtes commémoratives, célébrées tout au long de l’année, assurent la cohésion sociale. Elle est profonde: il faut se rappeler que, derrière les rites chrétiens, se dissimulent d’anciens cultes païens. La Légende dorée et les vies de saints perpétuent la mémoire d’anciens héros ou divinités : c’est ainsi que saint Christophe a remplacé un monstre anthropophage à tête de chien, et sainte Brigitte la déesse celte Brigid. Bien peu des pèlerins qui effectuent le parcours de la Grande Troménie de Locronan ou qui viennent visiter la Vierge noire de Chartres se rappellent encore qu’ils accomplissent un rituel celtique ou qu’ils adorent la grande Déesse-Mère.mémoire mythique
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Lucas Cranach, Adam et Eve
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Le mythe, expression d’un grand rêve communautaire, nous renvoie à un temps immémorial, "en ce temps-là". Il n’en est pas moins mémoire. J.-P. Vernant relativise ce concept de mémoire. Incarnée dans la Grèce archaïque par Mnémosyne, elle ne se souciait pas alors de relater une histoire personnelle ni d’imposer aux faits une quelconque chronologie. Véhiculée par des aèdes inspirés par les dieux, elle entretenait la tradition orale et avait une véritable fonction mythique : loin de partir en quête d’un passé éphémère, elle chantait les héros et les immortels et permettait ainsi « de sortir du temps, d’arriver à un état où, précisément, la temporalité n’existe plus ». Elle projetait ainsi l’histoire des dieux en un perpétuel présent, invitait les individus à une union mystique avec le divin et leur procurait « tout ce dont le groupe, pour demeurer lui-même, doit maintenir le souvenir ».
Livres
. Antonio DAMASIO, L'autre moi-même : les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émotions, O. Jacob, 2012
. Joël CANDAU, Anthropologie de la mémoire, PUF, 1996
. Antoine LEJEUNE, Michel DELAGE, La mémoire sans souvenir, Odile Jacob, 2017
.
sous la direction d’Alain HOUZIAUX, La Mémoire pour quoi faire ?, Les Editions de l’Atelier, 2006
.
Francis EUSTACHE et Béatrice DESGRANGES, Les chemins de la mémoire, Le Pommier, 2012
.
Otto RANK, Le Traumatisme de la naissance, Payot, 2002
.
Jean-Marie DOMENACH, Le Retour du tragique, Seuil, 1967
.
Jean-Pierre VERNANT, Aspects mythiques de la mémoire, Mythe et pensée chez les Grecs, Maspero, 1965
.
sous la direction de Pierre NORA, Les Lieux de mémoire, Gallimard, 1984-1992
.
Maurice HALBWACHS, La Mémoire collective, Albin Michel, 1950
Films
. Claude LANZMANN, Shoah, 1985
. Andrzej WAJDA, Katyn, 2009
.
Ari FOLMAN, Valse avec Bachir, 2008
.
Amos GITAI, Plus tard tu comprendras, 2008
.
Barbet SCHROEDER, Amnesia, 2015
.
Rithy PANH, L’Image manquante¸ 2013
.
François TRUFFAUT, Fahrenheit 451, 1966
.
Michael RADFORD, 1984, 1984
.
Wolfgang BECKER, Good bye, Lenin !, 2003
.
Abel GANCE, J’accuse, 1937
.
László NEMES, Le Fils de Saul, 2015
.
Eytan FOX, Tu marcheras sur l'eau, 2004
.
Ken RUSSELL, Au-delà du réel, 1980
.
Niki CARO, Paï : l'élue d'un peuple nouveau, 2003
Auschwitz, l'histoire de deux albums, webdocumentaire, réalisé par le réseau Canopé et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah : www.reseau-canope.fr/les-2-albums-auschwitz/