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jeudi
29 septembre, 18h30 : Conférence
L'enfance ou la perte de l'innocence, par Geoffrey Ratouis,
historien
Le Petit Chaperon Rouge, Le Petit Poucet, Hansel et Gretel,
Le vilain petit Canard, La petite Fille aux allumettes sont autant de contes qui
abordent, de manière souvent cruelle, toute la complexité du monde de l'enfance.
Faisant même parfois fi de la traditionnelle et si attendue happy end
pour mieux souligner la perte de l'innocence. Une thématique incontournable
maintes fois traitée au cinéma, des 400 coups de François Truffaut au
Tambour de Volker Schlöndorff.
Institut Municipal, place Saint-Eloi, Angers
Gratuit
lundi 3 octobre, 20h : Film
Cinema Paradiso
(Italie, 118 min.) de Giuseppe Tornatore, avec présentation et débat en présence
de Louis Mathieu, président de Cinéma Parlant, Xavier Thibaud, coordination Ecole
et cinéma, et Taina Tukhunen, professeure de littérature et cinéma
nords-américains à l'université et membre du programme EnJeu[x].
En partenariat avec l'Université d'Angers, la SFR Confluences et le programme EnJeux - Pôle universitaire ligérien d'études sur
l'Enfance-Jeunesse.
Cinéma Les 400 coups, 12, rue Claveau, Angers
Tarifs habituels aux
400 Coups : 8 €, réduit 6,50 €, carnets 5,30 € ou 4,70 €, moins de 26 ans
5,90 €, moins de 14 ans 4 € - tarif groupe, les matins également, sur
réservation (02 41 88 70 95) : 3,80 €
jeudi 13 octobre, 18h30 : Film documentaire
Ce n'est qu'un début (France)
de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier
Ils s’appellent Azouaou, Abderhamène, Louise,
Shana, Kyria ou Yanis, ils ont entre 3 ans et 4 ans quand ils commencent à
discuter librement et tous ensemble de l’amour, la liberté, l’autorité, la
différence, l’intelligence… Durant leurs premières années de maternelle, ces
enfants, élèves à l’école d’application Jacques Prévert de Le Mée-sur- Seine,
dans une ZEP de Seine-et-Marne, ont expérimenté avec leur maîtresse, Pascaline,
la mise en place d’un atelier à visée philosophique.
Plusieurs fois par mois, assis en cercle autour d’une bougie allumée par Pascaline, ils apprennent à s’exprimer, s’écouter, se connaître et se reconnaître tout en réfléchissant à des sujets normalement abordés dans le système scolaire français en classe de… terminale. Il n’y a plus de bon ou de mauvais élève lors de ces moments privilégiés : juste de tout jeunes enfants capables de penser par eux-mêmes avec leurs mots à eux, plein de spontanéité, de bon sens et de poésie. Et qui font déjà preuve, parfois, d’un incroyable esprit citoyen…
Débat avec Patrick Tharrault, de l'association "Débat-philo", auteur de Pratiquer le "débat-philo" à l'école, et avec Frédéric Pellerin, coordonnateur des Réseaux d'Education Prioritaire d'Angers
Patrick Tharrault et Frédéric Pellerin, professeurs des écoles, travaillent depuis plus de 20 ans au développement d’ateliers philo avec les enfants d’écoles primaires sur le Maine et Loire et en France. Ils participent également à la formation d’enseignants à cette pratique pédagogique, à l’intérieur de l’Education nationale ou à travers l’association SEVE (Savoir Etre et Vivre Ensemble).
Cette activité vise à développer l’esprit critique des enfants, à les initier à la complexité, à favoriser l’ouverture aux autres, à échanger dans le respect d’autrui.
Le 122, 122 rue de la Chalouère, Angers
Gratuit
Commentaires
Textes de Philippe Parrain
Cinélégende évoquait, à propos du film Whiplash , une démarche d'initiation, vécue comme un rite de passage.
La vie ne représente-t-elle pas un parcours aventureux? Des premiers pas au trépas, ce sont autant d'étapes, d'échelons à gravir, qui, physiologiquement ou socialement, nous font passer d'un état au suivant. Ce qui s'impose comme une perpétuelle remise en question, une quête pour se (re)définir en tant qu'individu.
Ce cycle se propose d'observer ces moments clefs de l'existence. S'attachant à des parcours individuels qui se veulent exemplaires. Il se montrera sans doute plus proche du conte de fées que du mythe. Ne sont-ce pas les bonnes, ou mauvaises fées qui, sur leurs quenouilles, déroulent le fil de la vie? Sans oublier qu'en Grèce, autrefois, c'était les Moires, ou les Parques à Rome, qui tissaient le destin de chacun.
Cinema Paradiso
Dans ce film, l'enfance est abordée de façon joyeuse, à la différence de tous ceux où les jeunes héros, éprouvés par la vie, sont soumis à de pénibles épreuves émaillées de rares moments de bonheur. Le récit en flash-back n'exclut pourtant pas un certain regret, le sentiment de la perte d'un paradis. Tornatore aurait-il voulu évoquer, en opposition à l'ardeur de son Totò, l'affliction de . la petite Paulette dans Jeux interdits en confiant à Brigitte Fossey le rôle d'Elena adulte : la nostalgie des amours juvéniles, idéalisées par Salvatore ?
 noter que cette scène ne figure que dans la version longue (170 minutes) du film.
Cinema Paradiso reste en toout état de cause un vibrant hommage au cinéma et à ses maîtres, de Renoir à Visconti, de Chaplin à John Ford, en passant par Vadim ou Vidor. Un hommage à l'amour du cinéma et à tous les baisers qui s'y affichent… Tornatore avait demandé à Fellini d'orchestrer, dans le rôle du projectionniste, la ronde finale des baisers qui évoque cette autre ronde qui résume la vie du héros de 8 ½. Mais Fellini jugea que sa présence détournerait l'attention des spectateurs, et c'est finalement Tornatore lui-même qui met en route le projecteur.
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thèmes mytho-légendaires du film
Il était une fois un garçon qui, de ses grands yeux, voulait dévorer le monde, et percer les petits secrets de la vie…
Il était une fois… dans un certain pays…, nous disent les contes. Ici il s'agit de la petite ville de Giancarlo, en Sicile, après la Guerre, au temps où les films étaient encore inflammables, c'est-à-dire à la fin des années 40. Et pourtant un lieu et un temps que semble bien avoir oublié l'adulte Salvatore, et qui ressurgissent du plus profond de son imaginaire.
Sans aucun doute Cinema Paradiso n'est pas un conte de fées. Son jeune héros n'en vit pas moins une sorte de conte d'apprentissage qui lui permettra de se construire pour toute sa vie.
Retour à la Mère
Je suis né sur ce navire. Le monde est passé autour de moi.
1900 dans La Légende du pianiste sur l'océan de Giuseppe Tornatore
Le film s'ouvre sur l'image de la mer devant laquelle trône une jatte, avant de découvrir par devant une coupe de fruits généreusement remplie. Autant de symboles maternels : les eaux primordiales, le sein maternel, la mère nourricière... C'est effectivement une Mère qui se tient là, une mère en quête de son fils disparu, parti loin d'elle. Une mère en souffrance, aussi désolée que l'était Cérès, la déesse nourricière, lorsque sa fille Proserpine lui fut enlevée par le dieu des Enfers. Et c'est au cœur de la nuit romaine, très loin de là, que nous découvrons Salvatore, ce fils qui, au volant d'une Mercedes, regagne son domicile à une heure tardive.
L'image reste sombre, et la compagne de Salvatore éteint la lumière avant de lui transmettre le message maternel et de lui annoncer la mort d'Alfredo. Le passé semble révolu, Salvatore se retourne pour s'endormir dans le noir. Mais la lumière éclate sous forme de trois éclairs magiques qui ravivent le souvenir. Le héros se trouve projeté dans son enfance, une enfance oubliée, refoulée, mais qui s'avère lumineuse. Il va revivre les années passées dans cette petite ville auprès de cet homme qui fut son initiateur. Jusqu'à ce qu'il prenne l'avion pour tenter de faire de son rêve une réalité.
Tout le film peut finalement représenter un véritable regressus ad uterum : un retour vers sa mère, bien sûr, mais aussi vers sa terre natale qu'il avait quittée trente ans auparavant, vers la maison familiale où son coin de vie a été préservé, vers sa communauté. Mais tout a changé, le rêve se heurte à l'usure du temps ; il se détricote à la façon de cet ouvrage qui se défait lorsque la mère comprend que son fils est de retour et que son fil de laine se déroule.
Le monde des merveilles
Enfant au front pur sans nuages et aux yeux pleins de rêves et de merveilles !
Lewis Carroll, De l'autre côté du miroir
De l'adulte qui n'arrive pas à s'endormir à l'assoupissement de l'enfant de chœur qu'il avait été, la transition vers le monde merveilleux, le paradis de l'enfance, passe par une plage obscure, un trou noir, et par un moment de recueillement à la lumière des cierges de l'église. Mais bientôt la vie éclate sur l'écran. Comme une renaissance. Désormais Salvatore s'appelle Totò : un garçon capricieux qui s'éveille, plein de malice et de vitalité. Une naissance miraculeuse qui peut faire penser à celle de Pinocchio dans le film de Comencini.
Tandis que le projecteur d'Alfredo illumine l'écran de la salle paroissiale, le visage de Totò se glisse entre deux rideaux. Car c'est de cinéma qu'il est friand et se nourrit. Bettelheim nous dit que la pensée magique qui habite les enfants postule que "tout ce qui bouge est vivant". Il n'est donc pas étonnant que Totò soit fasciné par ces images mouvantes, chargées de toutes les émotions possibles. Et ce n'est pas par hasard si le premier film qu'il nous est donné à voir est Verso la vita ("Vers la vie", titre italien des Bas-fonds de Renoir). Au fond, notre héros ne s'appelle-t-il pas Salvatore Di Vita, le "sauveur de la vie", celui qui récupère les séquences de baisers censurées par le curé, et qui plus tard réinsufflera la vie dans les films qu'il réalisera ? À croire que la fée à la quenouille lui ait fait, à sa naissance, le merveilleux don d'une caméra...
L’écran prodigieux
Dans les petites villes, la salle de cinéma était autrefois la seule fenêtre ouverte sur le monde.
Giuseppe Tornatore
La salle de cinéma est présentée comme un temple qui domine la place, face à l'église. La Vierge de Lourdes, fleurie, préside à l'entrée, et le curé ne manque pas de faire le signe de croix en entrant, tout comme Toto lorsque, malgré l'interdiction, il accède à la cabine pour apporter le déjeuner d'un Alfredo qui fait alors figure de grand prêtre, et le rituel de la projection est mis en parallèle avec celui de la messe. . À noter que la salle où le film a été tourné était en fait une ancienne église désaffectée.
La salle se présente comme un théâtre rassemblant l'ensemble de la communauté, et c'est toute la comédie humaine de la ville qui s'y joue. Elle sera en même temps témoin de l'évolution de la société et du monde lorsque le Napolitain la fera reconstruire pour y présenter des films plus croustillants, en attendant la disparition des cinémas, le repli du public vers les programmes télévisés et l'envahissement de la place par les voitures.
Le moment important pour Totò est celui où la surface plane de l'écran se déchire pour ouvrir l'horizon jusqu'aux limites de la réalité et de l'imaginaire. De consommateur de rêves, il va devenir montreur de rêves, et ce n'est qu'en quittant la Sicile qu'il pourra se révéler créateur et marchand de rêves. Car la fascination pour les images projetées suscite l'aspiration à se rendre maître de ces images. C'est peu à peu qu'il les déchiffrera : une fausse caverne de Platon où les ombres sont plus vraies que la réalité. Une passion pour les images que Tornatore fera partager par le héros de The best Offer qui se réfugie au milieu de sa fabuleuse collection de tableaux de maîtres.
Quant à l'officiant, Alfredo, c'est parce qu'il n'a pas eu de chance qu'il est devenu projectionniste, nous dit-il. Mais il reste conscient de son rôle de passeur, un véritable magicien fier de sa mission : "Ça te fait plaisir que les gens rient. C'est comme si c'était toi qui les faisais rire et que tu leur faisais oublier leurs petits malheurs"
L’initiation
"Passer le seuil", signifie s’agréger à un monde Nouveau.C''est une entrée dans la vie lumineuse, insouciante qui nous est montrée. Elle n'en épargne pas moins à Totò un réel apprentissage. Il a certes la vocation chevillée au corps, mais toute formation implique un initiateur, et il ne saurait s'agir de cette maîtresse d'école, sorte de sorcière qui n'hésite pas à violenter les enfants. Plus qu'Adelfio, le curé, c'est bien sûr Alfredo, le bon géant, qui veille à l'éducation de Totò. Tornatore conçoit ce dernier comme un personnage "mythologique", imposant : un ours au grand cœur auprès duquel Totò serait une petite souris qui ne cesse de le berner et de lui jouer des tours : une sorte d'homme sauvage qui tourne en rond dans sa cage-cabine de projection et qui tâche, vainement, de faire respecter son domaine. N'est-il pas aussi ce lion qui encadre la fenêtre de projection et qui soudain s'anime, menaçante ?
Arnold Van Gennep, Les Rites de passage
C'est en aidant Alfredo pour son examen que Totò négocie le privilège de mettre le projecteur en marche, en attendant qu'il soit gratifié d'un tabouret pout pouvoir charger les bobines. Apprendre à faire marcher un projecteur, bien entendu, mais en même temps apprendre à vivre. Même s'il n'en a pas conscience, les films développent sa curiosité, son sens de la vie. Grâce à eux, il trouve sa place dans la communauté où il s'insère et s'affirme dans sa différence. Intemporels et exemplaires, ils deviennent des projections de son imaginaire : au gré d'un voyage immobile, des récits, des personnages, des images qui viennent d'un autre monde. De quoi fantasmer sur la joie et la douleur, le désir et la tristesse, la peur, la misère, la vie et la mort, l'amour et les baisers…, ou sur un père qui, selon Alfredo, "ressemblait à Clark Gable".
Mais cette passion ardente se révèle aussi hautement inflammable. Objet de fascination, la pellicule est aussi redoutable. Ce sera pour Totò l'épreuve du feu, celle qui lui permettra de passer au-delà, à l'étape suivante de sa formation. Ce qu'il vit dans une séquence dionysiaque où les valeurs commencent par s'Inverser : les images du monde ne sont plus projetées sur un écran ; c'est, en dehors de la salle, sur les maisons, sur la réalité elle-même que les images prennent vie, avec un film mettant en scène - est-ce un hasard ? - l'acteur comique Totò.
La foule, en délire, envahit la place et s'esclaffe, tout en refusant de payer ses places, même à demi-tarif. Jusqu'à ce que la pellicule grille dans le projecteur en permettant au personnage du film d'échapper à la menace d'un revolver braqué sur lui. Le feu se propage aussitôt et c'est alors la panique générale. L'incendie de la salle paroissiale permet à Totò de s'illustrer par un acte héroïque et lui accorde une mort symbolique accompagnée par l'écroulement de tous ses rêves. Mais il s'impose en même temps en tant que rite de purification et signe le terme de l'initiation. De même que la salle de cinéma, bénite par le curé à grands coups de goupillon, renaît de ses cendres, Totò se trouve régénéré, désormais personnellement en charge de la projection.
Rêves brisés
Ne me demande pas ce que ça signifie. J'en sais rien.
Adolfo, à propos du conte du soldat et de la princesse
L'enfance est le creuset de la vie. Totò aura su se nourrir d'expériences, d'initiatives, d'aspirations et d'illusions, tout en amassant un trésor intime de bouts de films censurés qui, à la façon des contes de fées selon Bettelheim (Psychanalyse des contes de fées), "offrent des images que [l'enfant] peut incorporer à ses rêves éveillés et qui l'aident à mieux orienter sa vie." Mais les idéaux peuvent être mis à rude épreuve, et les voies de l'initiation s'avérer périlleuses : ces précieuses reliques s'enflamment et mettent en danger sa petite sœur. Il doit en même temps accepter la mort de son père dont la photo vénérée est elle aussi emportée dans les flammes.
C'est ainsi que Totò devient Salvatore, mais il a encore beaucoup à apprendre de la vie. À commencer par l'amour, qui n'est pas forcément aussi idyllique qu'il l'est à l'écran, là où l'on peut rêver d'une autre vie, s'identifier à d'autres destins, croire à l'impossible envers et contre tout. Alfredo le met en garde : "La vie, c'est pas ce que tu as vu au cinéma. La vie c'est plus difficile que ça." Même si les films restent là pour l'adoucir, l'éclairer, transcender les émotions et la sublimer.
Ce ne sont plus des ombres fugaces qui se projettent sur les façades de Giancarlo, mais le visage de Salvatore qui se penche sur l'écran (dans la version longue du film) pour tenter d'y embrasser le visage évanescent d'Elena. Il poursuit un rêve qui ne résiste pas à la réalité, par exemple lorsqu'il déclare au téléphone sa flamme à la jeune femme et s'aperçoit brutalement que c'est à sa mère qu'il est en train de parler… Il tente bien, en héros romanesque, de séduire la belle en la guettant toutes les nuits sous sa fenêtre. Mais c'est elle, bien réelle, qui se manifestera dans la cabine de projection.
La coupure
Totò ne doit jamais revenir à Giancarlo. Jamais.
Adolfo
Totò se riait des bons conseils et des contraintes sociales. Salvatore adolescent reste soumis, lui, aux incertitudes de la vie ; il est à la merci de puissances supérieures. C'est la foudre, qu'il appelle de ses vœux, qui fait apparaître par deux fois Elena. C'est elle aussi qui ranime les souvenirs d'enfance de Salvatore devenu adulte. La question se pose, comme dans le film de Camerini projeté en plein orage : "Qui est le patron, Neptune ou Ulysse ? Le dieu puissant ou l'homme astucieux ?"
Les séparations d'avec Elena, le seul véritable amour de sa vie à part le cinéma, s'avèrent douloureuses. Puis il doit quitter la ville pour faire son service militaire. Elena doit partir, sans laisser d'adresse. Cette fois-ci elle a complètement disparu, à croire qu'elle n'a été qu'un rêve parmi tous ceux charriés par les films. Quand il revient, la ville est vide. C'est la fin de l'évocation de l'enfance, de la période lumineuse de sa vie.
Désormais Salvatore est prêt à affronter le monde. Avec probablement des doutes et des désillusions, des joies et des projets. Il se montrera créatif même s'il semble qu'il éprouvera un certain mal à se fixer. Mais il a franchi le seuil, il est un autre homme qui a dû rompre avec ses attaches. La cécité d'Adolfo le rend clairvoyant au point de détecter le flou d'une image ou la présence d'une femme aimée sur un écran. Ce père de substitution se fait guide spirituel. Il le lui a bien annoncé: "Plus tard, tu auras mieux à faire…" Tout en insistant sur la nécessité de faire la coupure: "Oublie-nous, tous. Et si tu n'y résistes pas, ne viens pas me voir. Je ne te laisserai pas entrer chez moi."
les premiers pas
Les enfants ne jouent pas un rôle important dans les mythes, si ce n'est pour prouver la valeur des adultes qu'ils deviendront. C'est ainsi qu'à peine né, le Bouddha se lève et fait sept pas vers chacun des points cardinaux. Merlin console sa mère avec une voix d'homme : "Mère, ne pleurez pas" avant de s'échapper de ses langes et de marcher à grands pas un livre à la main. Gargantua, lui, ne tarde pas à s'écrier : "À boire ! À boire ! À boire !" Quant à la pièce de bois que Maître Cerise débite pour donner naissance à Pinocchio, elle se plaint : "Tu me fais des chatouilles sur tout le corps!", tandis que Kirikou parle déjà dans le ventre de sa mère…
Fondamentalement l'enfance incarne l'innocence, cet âge où l'on ne discerne pas le bien du mal, et évoque par là-même la nostalgie du paradis perdu, du temps de félicité d'avant la faute. Celle-ci est cependant inévitable. Adam et Ève mangent la pomme, et Perceval, lui aussi maintenu dans un état de candeur, rencontre cinq chevaliers et s'engage sur les malencontreux chemins de l'aventure. Le mal peut aussi frapper les enfants dès le premier âge : Cronos dévore les siens, Œdipe, Moïse, Rémus et Romulus sont livrés à leur sort, et saint Nicolas doit intervenir pour arracher les petits enfants au saloir, en attendant Mowgli, abandonné dans la jungle.
Sa Majesté des mouches de Peter Brook (1963) |
C'est en fait dans les contes que les enfants jouent un véritable rôle. Bons ou mauvais, malins ou stupides, timorés ou audacieux, ils sont là pour explorer toutes les potentialités de l'être humain à venir.
Livres
. Bruno BETTELHEIM, Psychanalyse des contes de fées, 1976
FILMS
. René CLÉMENT, Jeux interdits, 1952
.
Walter SALLES, Central do Brasil, 2016
. Garth DAVIS,
Lion, 2016
. Nadine LABAKI, Capharnaüm, 2018
. Luigi
COMENCINI, L'Incompris, 1967
. Morris ENGEL, Ruth ORKIN et Raymond
ABRASHKIN, Le petit Fugitif, 1953
. Radu MIHAILEANU, Va, vis et
deviens, 2005
. Tizza COVI et Rainer FRIMMEL, La Pivellina
, 2009